La semaine dernière, on pouvait lire dans La Presse un reportage qui révélait qu’une jeune femme avait décroché 16 emplois en un après-midi de recherche dans les commerces de la rue Sainte-Catherine. L’article révélait que la maîtrise du français était encore un aspect incontournable pour avoir accès au marché du travail, mais je crois qu’il se voulait aussi un état des lieux de la pénurie de main-d’œuvre.

La journaliste a donc décroché 16 emplois. Mais quels emplois ? Étaient-ils intéressants ? Offraient-ils de bonnes conditions de travail ? C’est la question qu’il faut se poser !

Dans l’article, la gérante d’un commerce constate que « les rôles se sont inversés » entre employeurs et employés. Est-ce à dire que le rapport de force a changé de camp ? Bien sûr que non !

Lisez l’article « Seize emplois en un après-midi »

La mobilisation des travailleurs est plus que jamais nécessaire face à ceux qui, malgré leurs difficultés de recrutement, continuent de se considérer comme maîtres et possesseurs de leur main-d’œuvre. Descartes me pardonnera ce détournement de sa maxime qui me semble plutôt appropriée pour décrire le comportement de certains patrons qui considèrent leurs employés comme une masse à dompter en les amadouant avec une sucrerie salariale, puisqu’ils n’ont plus le fouet du chômage pour les contraindre.

Voyons cette pénurie comme une occasion : celle de faire évoluer le monde du travail.

Commençons par l’humaniser. La conciliation travail-famille est un préalable. Un travailleur ne devrait jamais être sous le seuil de pauvreté. Il faudrait que les bullshit jobs que décrit David Graeber dans son ouvrage du même nom disparaissent.

L’emploi d’une personne devrait autant remplir son désir de sens et son souhait de contribuer à la société que ses besoins alimentaires.

Le fameux « Pay them more ! » murmuré par Joe Biden comme une évidence est largement insuffisant. Bien sûr, les conditions salariales sont un élément majeur. Les gens en ont assez de s’échiner pour des cacahuètes dans le but d’enrichir quelqu’un d’autre, mais ils cherchent également autre chose et ce n’est pas d’hier. En 1975, Charles Bukowski, auteur aussi controversé que sa vision du monde était fine, écrivait : « Comment diable un homme peut-il se réjouir d’être réveillé à 6 h 30 du matin par une alarme, bondir hors de son lit, avaler sans plaisir une tartine, chier, pisser, se brosser les dents et les cheveux, se débattre dans le trafic pour trouver une place, où essentiellement il produit du fric pour quelqu’un d’autre, qui en plus lui demande d’être reconnaissant d’avoir cette opportunité ? »

La nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail répond sans équivoque à cette question. Elle ne s’en réjouit pas ! Et, non, elle n’acceptera pas avec reconnaissance d’occuper un emploi vide de sens.

Les employeurs ne nous font pas une faveur quand ils nous engagent. C’est nous qui leur offrons la possibilité de s’enrichir et de se développer grâce à nos compétences et à notre savoir-faire. Gardons toujours cela en mémoire !

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