Au moment où la filière des batteries pour véhicules électriques se développe à vive allure, Hydro-Québec est à la recherche d’un allié prêt à s’investir pour aider la société d’État à commercialiser ce qu’elle présente comme la « prochaine percée technologique majeure », a appris La Presse.

Selon nos informations, des prétendants « de qualité », notamment des entreprises asiatiques et européennes, se sont manifestés depuis que le processus s’est enclenché, il y a un peu moins d’un an. Aucune entente n’a été conclue pour le moment.

L’an dernier, Hydro-Québec a mandaté la Société Générale – l’une des principales banques françaises – pour aller cogner à différentes portes. Quelques dizaines d’entreprises ont été pressenties. Une présentation de 15 pages « hautement confidentielle » que La Presse a pu consulter met en valeur le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie de la société d’État, située à Varennes, en banlieue sud de Montréal.

« Hydro-Québec recherche un partenaire qui prendra une participation dans ses activités de batteries pour finaliser le développement et accélérer le lancement commercial des batteries à électrolyte solide pour véhicules électriques », est-il écrit dans le document.

Interrogée, la société d’État répond que ses recherches concernant une nouvelle génération de « batteries tout solide » ont « atteint un niveau de maturité très élevé » et qu’une entente avec un partenaire est « cruciale » pour espérer qu’elles se retrouvent « éventuellement » dans des véhicules électriques.

PHOTO FOURNIE PAR HYDRO-QUÉBEC

Le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec est situé à Varennes.

Hydro-Québec affirme qu’il s’agit de la « prochaine percée technologique majeure » notamment parce que l’on réduit considérablement le poids des batteries. On peut donc en augmenter l’énergie. Ces batteries seraient plus sûres, fait valoir la société d’État, en raison de l’absence d’électrolyte liquide inflammable dans leur composition.

Étapes à franchir

En dépit des avancées réalisées, il reste plusieurs étapes à franchir avant d’atteindre celle de la commercialisation. C’est sur ce plan qu’Hydro-Québec a besoin d’un coup de pouce. De plus, des géants de l’automobile comme Nissan ambitionnent de produire des batteries de ce genre.

« Cela coûte cher et il faut des acteurs qui se spécialisent dans l’industrialisation des batteries, affirme une source gouvernementale au fait du dossier, mais qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement. Ce n’est pas une démarche financière. Le but est de mettre les fruits de la recherche au profit de la filière batterie du Québec. »

Cette personne affirme qu’une « vente totale » des activités du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie ne serait pas sur la table.

Hydro-Québec a déjà commencé à nouer des partenariats dans le créneau des batteries. Depuis un peu plus de deux ans, l’Institut de recherche en électricité d’Hydro-Québec (IREQ) collabore avec Mercedes-Benz au développement des batteries lithium-ion de prochaine génération. Il n’a pas été possible de savoir si le géant allemand pourrait être le partenaire recherché.

Encore des questions

Les documents préparés par la Société Générale ne s’avancent pas sur la taille de l’investissement nécessaire pour commercialiser les brevets et le travail du Centre d’excellence. Il est permis de croire que les sommes seraient substantielles puisque l’on parle de commercialisation et d’industrialisation, c’est-à-dire de production à plus grande échelle.

Un éventuel partenariat pourrait prendre la forme de celui intervenu entre Hydro-Québec et Dana en 2018. L’équipementier automobile américain était devenu, cette année-là, l’actionnaire majoritaire de TM4, filiale québécoise de la société d’État spécialisée dans les moteurs électriques, dans le but d’accélérer sa croissance. La transaction avait permis à Hydro-Québec d’empocher 165 millions.

Dans son appel d’intérêt, la société d’État affirme travailler sur trois générations de batteries tout solide, avance la présentation de la Société Générale. La commercialisation pourrait débuter dès 2025, d’après le document.

Professeur au département de génie chimique de Polytechnique Montréal, Gregory Patience, qui se spécialise entre autres dans le secteur des batteries, n’est guère surpris des démarches d’Hydro-Québec. Après avoir consulté le document préparé par la Société Générale, l’expert ne s’inquiète pas de l’arrivée d’un éventuel partenaire étranger. À son avis, il ne s’agit pas d’une mauvaise nouvelle pour la suite des choses.

PHOTO FOURNIE PAR POLYTECHNIQUE MONTRÉAL

Gregory Patience, professeur au département de génie chimique de Polytechnique Montréal

« C’est une stratégie, dit M. Patience, au cours d’un entretien téléphonique. Je dirais que c’est souhaitable. Peut-être même qu’il fallait le faire avant. Ils disent [chez Hydro-Québec] avoir trouvé quelque chose d’extraordinaire, mais peut-être qu’ils n’ont pas le personnel pour le réaliser. »

La filière québécoise des batteries, un projet sur lequel mise grandement le gouvernement Legault, a été au cœur d’annonces d’envergure au cours des derniers mois. Le géant chimique allemand BASF ainsi que la coentreprise formée par POSCO (Corée du Sud) et General Motors (GM) ont choisi de s’établir dans le parc industriel de Bécancour – l’endroit privilégié par Québec pour développer ce nouvel écosystème – afin d’y fabriquer des matériaux de cathodes.

Avec la collaboration de Jean-Thomas Léveillé, La Presse

Le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec

  • Plus de 120 employés au total, dont quelque 40 chercheurs
  • Des investissements supérieurs à 400 millions depuis 2006
  • Une soixantaine de licences accordées
  • Environ 100 familles de brevets
  • Au moins 250 publications scientifiques