Cette semaine, Alexandre Vézina, associé principal-cofondateur de la Clinique d’accompagnement entrepreneurial et auteur du livre Marqués au fer rouge : Histoires marquantes et leçons d’affaires pour entrepreneurs, répond à nos questions sur le leadership.

Q. Pourquoi avoir écrit Marqués au fer rouge ? Que vouliez-vous transmettre ?

R. Je voulais montrer l’envers du décor : le vrai monde entrepreneurial. Nous avons tendance au Québec, comme société, à « glamoriser » l’entrepreneuriat. Les médias sociaux ont accéléré cette tendance : un entrepreneur qui a du succès montre son argent ! Pourtant, la facilité n’existe pas en affaires. Les vraies affaires et les difficultés rencontrées par les entrepreneurs sont rarement exposées au grand jour. Lorsque la réalité frappe de plein fouet les propriétaires d’entreprise, ils croient à tort qu’ils sont isolés et qu’ils sont les seuls à vivre ce genre de situation. C’est faux ! La vérité, c’est que nous sommes tous dans le même bateau. Avec Marqués au fer rouge, je voulais que les gens en prennent conscience. J’ai donc choisi 20 hommes et femmes d’affaires du Québec qui ont vécu une histoire qui les a profondément marqués. Leurs histoires, les entrepreneurs en vivront probablement au moins une dans leur carrière. On parle de fraude, de difficultés financières, de problèmes de santé, de différends entre associés, des relations dans une entreprise familiale, de piratage informatique, des défis des relations humaines, de communications difficiles, etc. C’est dans l’adversité que l’on voit le vrai visage des gens. Je voulais m’assurer que les entrepreneurs réalisent que d’autres personnes ont vécu ce qu’ils vivent à des niveaux différents, mais surtout, qu’il est possible de faire preuve de résilience et de persévérance pour passer à travers.

Q. Est-ce faire preuve de leadership pour un dirigeant d’avouer publiquement les moins bons côtés de l’entrepreneuriat et les obstacles rencontrés ?

R. Non et oui. C’est une question d’attitude. Honnêtement, je crois que l’entrepreneur doit d’abord affronter ses défis en privé avec sa garde rapprochée, son équipe et ses conseillers de confiance. Ça veut dire quoi ? Réfléchir aux solutions et aux alternatives pour prendre les bonnes décisions. Faire les bons gestes. Mobiliser les ressources essentielles. Éviter les distractions externes. Être créatif face aux défis. La raison est simple : il faut éviter de contaminer les parties prenantes moins impliquées de l’entreprise. Vous ne voulez pas d’employés démobilisés qui quittent subitement le navire. Et vous ne voulez pas que vos fournisseurs vous abandonnent au moment où vous avez besoin d’eux.

Une fois les défis surmontés, on se doit de tirer des leçons des situations qu’on vient de vivre comme entrepreneur. C’est à ce moment qu’un dirigeant peut partager en toute humilité ce qu’il a vécu. Il faut apprendre à mettre notre ego de côté pour donner l’heure juste sur la réalité de ce que c’est d’être entrepreneur. « Déglamoriser » l’entrepreneuriat devrait aussi être une responsabilité collective des entrepreneurs à succès. Il faut éviter aux nouveaux entrepreneurs de répéter nos propres erreurs. C’est une question de leadership et d’évolution de l’entrepreneuriat.

Q. Comment un entrepreneur peut-il passer à travers les tempêtes que sont la pandémie, la guerre en Ukraine, les difficultés d’approvisionnement et de transport de marchandises, la tête haute et en gardant le contrôle ?

R. Il existe trois ingrédients clés : la résilience, la persévérance et l’adaptation. Tout d’abord, l’entrepreneur doit prendre le temps d’identifier et d’anticiper les impacts des différents défis qui l’attendent pour les prochaines années. Le statu quo n’est pas une option. Il faut aussi savoir s’entourer adéquatement pour voir ses affaires autrement. Trop d’entrepreneurs s’isolent dans des lacs-à-l’épaule face aux problèmes. C’est une erreur. Discuter avec un mentor, se faire conseiller par des gens de confiance, partager avec d’autres entrepreneurs… Il faut chercher de l’aide pour ventiler et avoir une meilleure vue d’ensemble. Parce qu’une chose est sûre : l’incertitude oblige actuellement les entrepreneurs à faire preuve d’une grande créativité. Pour continuer de croître et créer des emplois stimulants, les entrepreneurs devront procéder à des changements profonds de leurs modèles d’affaires et de leurs styles de gestion. Revoir les façons de faire et faire preuve d’agilité sera essentiel pour traverser et pour réussir dans la prochaine décennie.

Posez vos questions sur le leadership