La baisse du rendement chez Investissement Québec (IQ) l’an dernier n’a pas influé sur les primes, puisqu’elles ont totalisé plus de 12 millions – un sommet. Des employés de la société d’État ont même besoin de travailler moins longtemps afin d’avoir droit à ce traitement.

Cette forte hausse annuelle de 42,5 % de la cagnotte s’explique notamment par le nombre d’employés syndiqués et non syndiqués du bras investisseur de l’État québécois admissibles aux récompenses, révèlent les données obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Ainsi, 945 personnes, qui représentent 86 % de l’effectif total d’IQ, se sont partagé la moitié de la cagnotte totale. Pour ces employés, la prime moyenne a bondi de 50 % pour s’établir à 6467 $. Dans sa réponse, la société d’État explique que le gouvernement Legault a donné son feu vert pour relever « certaines cibles » en plus « d’abaisser le seuil du temps travaillé menant à l’admissibilité d’un boni ». Les modalités entourant ce dernier aspect n’ont pas été précisées.

« Il y aurait lieu de réviser les critères pour certaines catégories admissibles, souligne le président-directeur général de l’Institut de la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP), François Dauphin.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

François Dauphin est président-directeur général de l’Institut de la gouvernance d’organisations publiques et privées

Est-ce que c’est correct de donner jusqu’à 5 % du salaire annuel en prime au personnel technique ?

François Dauphin, président-directeur général de l’Institut de la gouvernance d’organisations publiques et privées

Au sein du personnel syndiqué et non syndiqué, on recense 272 personnes dans des fonctions administratives et techniques. C’est 25 % du nombre total d’employés chez IQ (1097 personnes). Les primes cibles pour ces salariés varient entre 3 et 5 % du salaire annuel. Chez les professionnels, qui comptent pour 60 % des employés, la fourchette oscille entre 7 et 20 % selon le type de poste. Auparavant, la cible était fixée à 7 %, peu importe le niveau d’emploi.

Un retour sur terre

En 2021-2022, IQ a vu son rendement s’établir à 7,6 %, loin du résultat de 25 % obtenu l’année précédente. En 2020 – un exercice marqué par les secousses économiques de la pandémie de COVID-19 –, le rendement avait été de - 4,9 %.

« La société a livré de solides résultats au cours de l’année [2021-2022] et a atteint la majorité des cibles […] autant sur le plan financier, avec un rendement moyen des trois dernières années s’établissant à 9,3 % et que sur le plan des autres indicateurs », explique IQ dans sa réponse.

Ce rendement moyen dépasse le coût moyen de ses fonds propres qui est équivalent au taux d’emprunt du gouvernement, estimé autour de 2 %. M. Dauphin ajoute un bémol : l’année « exceptionnelle » du rebond pandémique en 2021 est une « donnée anormale » qui vient « tirer vers le haut » la performance sur trois ans, estime-t-il.

L’expert s’interroge également à l’égard de certains indicateurs du plan stratégique qui servent à mesurer la performance et finissent par se refléter sur la rémunération incitative. Il donne l’exemple du renforcement de l’expérience client.

« Il y a des indicateurs qui ne sont pas facilement mesurables, quantifiables », dit M. Dauphin.

Difficiles à retenir

IQ n’évoque pas de défis de rétention du personnel dans son rapport annuel qui fait le point sur l’exercice financier terminé le 31 mars dernier. Cependant, avec un taux de roulement de 12,1 % l’an dernier, dont 7,2 % de départs volontaires, cela pourrait être à l’origine du traitement consenti au personnel syndiqué et non syndiqué, croit M. Dauphin.

« Le personnel du secteur financier est extrêmement mobile, dit-il. C’est possible qu’IQ devienne une pépinière pour d’autres organisations. »

Le taux de roulement est très élevé. J’ai le sentiment qu’on a un véritable besoin de rétention.

François Dauphin

Le président-directeur général d’IQ, Guy LeBlanc, a pour sa part eu droit à une prime annuelle de 105 000 $, en légère hausse de 5000 $. En 2021-2022, sa rémunération globale, qui tient compte du salaire de base et autres avantages, s’est établie à presque 888 000 $.

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  • 349 millions
    Résultat net ajusté d’Investissement Québec en 2021-2022, en recul de 65 % par rapport à l’année précédente
    source : investissement québec