(Montréal) Il s’agit d’une mince consolation devant la flambée des prix à la pompe et à l’épicerie, mais les consommateurs pourraient avoir un moment de répit avec certains articles de consommation que les détaillants ont accumulés en trop grande quantité.

En réaction aux pénuries et aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, de nombreux commerçants ont changé leur stratégie, explique le directeur associé de la firme de conseils en logistique GCL Group, Charles-Antoine Marcil.

« Pour faire face aux pénuries, on est passé d’un mode de “juste à temps” au “juste au cas”. Les entreprises ont décidé d’accumuler plus de stocks, car elles avaient de la difficulté à prévoir le nombre de produits qu’elles allaient être capables d’avoir. »

Des détaillants américains, comme Walmart et Target, ont prévenu leurs actionnaires dernièrement qu’ils avaient accumulé trop de stocks. Leurs dirigeants ont affirmé qu’ils n’avaient pas les bons produits en stock, car ceux-ci étaient arrivés en retard et parce que les habitudes des consommateurs ont changé en raison du déconfinement et de la montée de l’inflation.

En mai, Walmart a affirmé que près de 20 % de ses articles en stock étaient des produits dont l’entreprise ne voulait plus. Chez Walmart Canada, son porte-parole, Jon Rumley, a dit qu’il n’était pas en mesure de dire quelle était la situation pour les activités canadiennes du détaillant.

L’accumulation de surplus survient à un moment où les craintes de récession soulèvent des questions sur la capacité d’écouler les stocks, estime M. Marcil. « On parle de récession, on parle de ralentissement. Est-ce qu’on va pouvoir écouler tout ce stock-là ? La capacité d’entreposage à un certain point, elle est limitée. Il va y avoir un questionnement sur les produits qui ne sont plus de saison et à ce moment les soldes peuvent être une façon de se départir de certains produits. »

Des soldes au Canada ?

Aux États-Unis, des experts prévoient des soldes massifs en juillet sur certains articles qui ont perdu la faveur des consommateurs. Les ménages sont préoccupés par l’inflation, mais reprennent aussi goût à certaines dépenses abandonnées durant la pandémie comme les concerts, les voyages et les sorties.

« Il y aura des aubaines comme vous n’en avez jamais vu », prédit l’analyste spécialisé en commerce de détail de Moody’s Investor Service, Mickey Chadha, dans une entrevue récente au Wall Street Journal.

Parmi les articles accumulés en trop, on compte les produits populaires durant la pandémie, notamment les vélos, les meubles extérieurs, les appareils électroniques et les vêtements sportifs, énumère Alain Sawaya, associé Chaîne d’approvisionnement en Service-conseils, chez KPMG Canada. « Je me souviens très bien, il y a 18 mois, il n’y avait plus de vélos. Maintenant, il y a un excédent de vélos, ironiquement. Ça a viré aussi vite que ça. »

La situation serait toutefois moins marquée au Canada, nuance M. Sawaya. Les grands détaillants américains ont profité de leur pouvoir d’achat pour faire le plein d’articles. Cette stratégie a fait en sorte de laisser moins de stocks pour les plus petits acteurs, notamment les détaillants canadiens, explique-t-il.

« Au Canada, on a vécu un peu la même chose. On a du surplus, oui, quand même pas mal, mais c’est un peu moins grave parce qu’on a juste d’emblée moins acheté, soit parce qu’on a pu moins en acheter parce que les géants l’ont acheté avant nous ou on n’avait tout simplement pas l’espace ou les employés pour le faire. »

Chez les quincailliers québécois, on ne sent pas encore un retour du balancier, constate le président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), Richard Darveau. « Au moment où on se parle, de toutes les enseignes avec lesquelles j’ai parlé, on sait que ça arrive ailleurs [la diminution de la demande et les surplus de stocks], mais on ne le ressent pas au Québec. »

Comme les autres secteurs du commerce de détail, les quincailliers ont reçu des commandes en retard en raison de la chaîne d’approvisionnement, mais ces délais d'attente ne se sont pas traduits en pertes de ventes pour les commerçants, selon lui. « C’est vrai qu’on a eu des retards de livraison, mais les gens sont patients et les ventes se font un peu plus tard. »

Les dépenses en rénovation et en construction ne sont toutefois pas à l’abri d’un éventuel ralentissement, prévient M. Darveau. Il souligne que l’augmentation des taux d’intérêt fait grimper le coût du financement des travaux de rénovation pour de nombreux ménages. « J’ai l’impression que, pour nous aussi, il va y avoir, un moment donné, un ralentissement. On ne le voit pas encore. »