L’Autorité des marchés financiers (AMF) poursuit un ancien vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour un délit d’initié en lien avec le Groupe Colabor.

Justin Méthot, vice-président aux placements privés jusqu’en avril 2020, était responsable des investissements dans les grandes entreprises. Il est accusé d’avoir communiqué une information privilégiée sur le distributeur alimentaire, dont la Caisse est actionnaire.

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L’AMF a aussi déposé sept chefs d’accusation contre Jean-François Neault pour avoir retransmis cette information. Ancien chef de la direction financière du producteur d’énergies renouvelables Innergex, il a été congédié le 14 avril après nos révélations.

Claude Gariépy, ex-PDG de Colabor de 2012 à 2018, est quant à lui accusé d’avoir profité du renseignement privilégié pour revendre ses actions de l’entreprise et éviter une perte.

La Presse avait déjà ébruité les allégations de l’Autorité au printemps, sur la base de déclarations sous serment d’enquêteurs déposées à la Cour supérieure.

Une information confidentielle à un ami

En août 2019, Justin Méthot aurait appris la démission de Lionel Ettedgui, alors PDG de Colabor. Il l’aurait ensuite annoncée à son ami Neault, au moins quatre jours avant le communiqué officiel de l’entreprise.

Neault l’aurait ensuite annoncée rapidement à plusieurs autres personnes, dont Gariépy. L’ancien patron du distributeur alimentaire aurait alors vendu « toutes les actions ordinaires de Colabor qu’il détenait aussitôt qu’il aurait appris l’information », selon un communiqué que l’AMF a publié mercredi.

Photo Hugo-Sébastien AUBERT, archives LA PRESSE

Claude Gariépy et Jean-François Neault

Il aurait ainsi « évité une perte due à la baisse du cours de l’action de l’entreprise à la suite de l’annonce ».

Justin Méthot n’a pas répondu aux appels de La Presse. Jean-François Neault a raccroché dès que notre journaliste s’est présenté. Nous n’avons pas pu joindre Claude Gariépy.

Dans un communiqué publié en avril, Méthot avait assuré avoir toujours rempli ses fonctions à la Caisse « avec professionnalisme, rigueur et une éthique sans reproche ». Il avait affirmé n’avoir jamais bénéficié de transactions, « ni directement ni indirectement ».

« Cette enquête traîne en longueur […] avec les conséquences que l’on peut imaginer sur ma vie personnelle et familiale », avait-il ajouté.

Longue enquête

L’Autorité a eu accès à la preuve saisie « seulement en date du 28 septembre 2021 », soit 20 mois après sa perquisition dans les bureaux de la Caisse, avait rapporté La Presse en avril, sur la base des documents de cour.

Les délais étaient notamment dus à la revendication par Méthot et la Caisse du « secret professionnel de l’avocat sur les choses saisies ».

Il a donc fallu vérifier si les documents saisis contenaient de l’information couverte par le privilège avocat-client, protégé par la Charte des droits et libertés du Canada.

Une représentante de l’Autorité précise dans sa déclaration que Justin Méthot y a « finalement renoncé », mais ne dit rien sur la position de la Caisse à cet égard.

Gestionnaire pour Pierre Karl Péladeau

Après la perquisition de l’AMF dans son bureau, Justin Méthot a quitté la Caisse de dépôt. En septembre 2020, il est devenu vice-président principal et directeur général d’Eastman Capital, société de gestion de fortune de Pierre Karl Péladeau, selon son profil LinkedIn.

La Presse n’a pas pu recueillir les commentaires du PDG de Québecor avant la publication de cet article.