(Toronto) La longue attente pour raccourcir le processus de résolution des plaintes dans le secteur bancaire est presque terminée, une série de mises à jour de la réglementation s’apprêtant à entrer en vigueur à la fin du mois.

Les réformes sont contenues dans un nouveau cadre de protection des consommateurs financiers qui vise à combler les lacunes du système, mais malgré près d’une décennie de préparation, des critiques estiment que ces changements représentent davantage des ajustements mineurs qu’une solution fondamentale aux problèmes.

« Ce n’est pas un changement radical, ce n’est pas suffisant pour vraiment protéger les consommateurs », fait valoir John Lawford, directeur général du Centre pour la défense de l’intérêt public.

Les banques ont déjà commencé à envoyer des notifications au sujet de certains des changements qu’elles devront mettre en œuvre lorsque les règles entreront en vigueur, le 30 juin, comme des alertes transmises lorsque le solde d’un compte passe sous la barre des 100 $ et de nouvelles règles limitant à 50 $ la responsabilité en cas de perte ou de vol de cartes de crédit, sauf en cas de négligence grave.

Les nouvelles règles réduisent également à 56 le nombre de jours après le premier dépôt d’une plainte contre une banque avant que quelqu’un puisse retransmettre le problème à l’un des évaluateurs tiers. Auparavant, les règles autorisaient une période de 90 jours suivant le deuxième niveau de résolution de la banque, mais un manque de transparence de la part des banques au sujet du calendrier faisait en sorte que le temps moyen réel avant de pouvoir soumettre le problème à une instance supérieure atteignait environ 130 jours.

Depuis que le ministère des Finances a envoyé un premier document de consultation sur les changements à la fin de 2013, les inquiétudes entourant les tactiques de vente à haute pression et la vente incitative dans l’industrie se sont également accrues. Les nouvelles règles stipulent désormais spécifiquement que les banques ne peuvent pas « imposer de pression indue » pour vendre un produit ou un service, et que ces produits et services doivent être « appropriés à la personne » et à ses besoins financiers.

Une relation qui reste transactionnelle

Mais alors que le nouveau cadre oblige les banques à améliorer leurs politiques, on ne sait pas vraiment dans quelle mesure les nouvelles règles seront applicables ou efficaces.

« Cela ne change pas vraiment la relation fondamentale entre les banques et leurs clients, qui est toujours transactionnelle », souligne Rene Kimmett, stagiaire au Centre pour la défense de l’intérêt public.

Les règles ne vont pas jusqu’à établir une obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt supérieur du client comme le font certaines lois sur les valeurs mobilières, note-t-elle.

Les modifications n’intègrent pas non plus les règles relatives à la conception des produits financiers qui sont utilisées en Australie, au Royaume-Uni et dans l’Union européenne, qui obligent les banques à concevoir des produits pour un marché cible approprié et à se demander plus tôt dans le développement d’un produit s’il est approprié.

Ces règles sont particulièrement utiles pour protéger les consommateurs qui se voient proposer des produits et services par l’entremise de notifications poussées, sans avoir la possibilité de poser des questions sur le produit et sa pertinence pour atteindre leurs objectifs, explique Mme Kimmett.

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), chargée de protéger les intérêts des clients des banques, a souligné que les nouvelles règles devraient répondre à bon nombre des préoccupations concernant les tactiques de vente dont elle a fait état à la fin de mai dans un rapport fait avec la collaboration de clients mystères. Le document a noté qu’environ 15 % à 20 % des clients mystères avaient trouvé les recommandations de produits inappropriées, par exemple lors d’offres de cartes de crédit privilèges qui n’étaient pas accompagnées de questions sur les habitudes de consommation ou sur les revenus. En général, les résultats des évaluations mystères étaient moins bons pour les clients des minorités visibles et autochtones.

Pour sa part, le secteur bancaire appuie les changements apportés par le nouveau cadre, indique le porte-parole de l’Association des banquiers canadiens, Mathieu Labrèche, dans une déclaration.

« Les banques consacrent beaucoup de temps, d’efforts et de ressources pour s’assurer que les clients reçoivent des produits et des services qui leur conviennent et qu’ils ont consenti à recevoir. Les banques s’engagent à respecter les mesures de protection des consommateurs. »

Deux concurrents pour le traitement des plaintes

Au-delà du cadre lui-même, des critiques comme Mme Kimmett notent également que même si le délai de traitement des plaintes s’est amélioré, le problème demeure que le Canada a deux organismes externes de traitement des plaintes parmi lesquels les banques peuvent choisir, ce qui crée un genre de concurrence entre les deux organisations, qui tentent de garder les banques comme clientes tout en rendant des décisions contre elles.

Le gouvernement fédéral a fait une promesse électorale d’établir un organisme externe unique pour traiter les plaintes et s’y est réengagé dans le budget fédéral de cette année, mais n’a pas encore donné de calendrier quant à la mise en œuvre de ce changement.

Les nouvelles règles ne font rien non plus pour protéger les consommateurs des prix injustes, observe Duff Conacher, cofondateur de Democracy Watch, une organisation canadienne de défense des droits.

« Les règles ne sont pas très complètes en ce qui a trait à l’arrêt des abus et de la discrimination, et ne font rien pour arrêter les [prix excessifs]. »

Selon M. Conacher, en plus d’une meilleure application par l’ACFC elle-même, une action beaucoup plus efficace du gouvernement fédéral serait de donner suite à la promesse électorale des libéraux d’accroître les pouvoirs de l’ACFC pour examiner les prix facturés par les banques et imposer des changements s’ils sont excessifs.

« Ça a été promis et c’était une énorme promesse, car c’est la première fois qu’un parti au pouvoir promet de donner à une agence de régulation le pouvoir de revoir les prix et d’imposer des changements. »

Interrogé sur les projets de création de l’organisme unique de traitement des plaintes et de promulgation des pouvoirs renforcés, un responsable du ministère des Finances a réitéré l’engagement budgétaire sans fournir plus de détails, et a affirmé que le gouvernement revoyait régulièrement le cadre du secteur financier et la protection des consommateurs financiers.