Constatant une demande de plus en plus forte pour des véhicules d’investissement responsable, le Mouvement Desjardins bonifie à nouveau son offre en ce sens avec l’ajout d’une dizaine de nouveaux produits.

« On la sent, cette pression, de la part de nos membres et clients pour une finance responsable, pour que les acteurs financiers aient un impact encore plus grand dans la lutte contre les changements climatiques », lance en entrevue le grand patron de l’organisation, Guy Cormier.

Il dit le constater de façon particulière depuis 18 à 24 mois. « Les concurrents bancaires à travers le monde, et même à l’ONU, il y a un mouvement qui s’est créé et je sens un sérieux, un engagement de plus en plus grand, variable d’une institution à l’autre. »

L’organisation, qui a lancé son premier fonds de placement « environnement » il y a une trentaine d’années, au début des années 1990, doit annoncer ce lundi l’ajout de nouveaux Fonds SociéTerre pour ainsi porter à une trentaine sa gamme de produits d’investissement responsable.

Et la question des rendements de ces produits, Guy Cormier se la fait souvent poser.

« Il y a encore un mythe sur la performance des fonds ESG, environnement et développement durable. Peu importe comment on les appelle », dit-il.

Les rendements sont au rendez-vous. Et de plus en plus, les gens balancent très bien la recherche du rendement et le choix conscient de l’impact qu’ils veulent avoir sur la société.

Guy Cormier, PDG du Mouvement Desjardins

Les rendements après frais de gestion du Fonds SociéTerre Actions canadiennes, par exemple, s’élèvent à 6,9 % depuis trois ans et à 5,5 % depuis la création du fonds en 2017.

Sur un horizon de 5 ou 10 ans, les Fonds d’investissement responsables performent aussi bien ou mieux que les fonds d’investissement traditionnels, et ce, à travers toutes les principales classes d’actifs, soutient Marie-Justine Labelle, cheffe de l’investissement responsable chez Desjardins.

Guy Cormier soutient que le comportement des membres et clients ne démontre pas que le rendement ou l’expectative d’un moins bon rendement les préoccupe « tant que ça » parce que la demande est présente. « On sent l’appétit, et les chiffres en témoignent », dit-il.

Desjardins a maintenant plus de 12 milliards de dollars d’actifs en argent investi dans ses produits d’investissement responsable. La croissance de l’actif sous gestion a atteint 20 % de 2020 à 2021. L’an passé, ce sont donc 2 milliards additionnels que les membres ont injecté dans les produits d’investissement responsable.

« Et ça continue de progresser depuis le début de l’année, dit Guy Cormier. Les gens veulent sentir que leurs dollars investis ont un impact sur la planète. Ils veulent avoir accès à une gamme encore plus étendue de produits, et avoir le sentiment que l’intégration des critères ESG est vraiment au cœur de la stratégie de Desjardins. Ils veulent de plus en plus contribuer à une relance verte. »

Contexte de « transition énergétique »

Marie-Justine Labelle explique que les Fonds SociéTerre permettent à Desjardins de faire de la gestion de portefeuille « sophistiquée ». « Dans notre réseau des Caisses, 95 % des gens achètent des solutions clés en main d’investissement responsable, donc des portefeuilles déjà faits pour leur profil et leur tolérance au risque. »

Guy Cormier ajoute que le client sait que son argent est investi dans un portefeuille SociéTerre, mais l’allocation et la réallocation se font par les gestionnaires d’actifs qui se retrouvent aujourd’hui avec plus de possibilités en termes de fonds sans pétrole et sans pipeline.

La gamme de Fonds SociétéTerre de Desjardins a pour politique de ne pas investir dans une entreprise dont les revenus provenant de l’extraction ou de la production de pétrole, de gaz et de charbon thermique représentent plus de 10 % du chiffre d’affaires total.

Il arrive à Desjardins de refuser d’accorder du financement à des entreprises. « Ça s’inscrit dans un contexte de transition énergétique », dit Guy Cormier. « Avant de refuser du financement à une moyenne ou une grande entreprise, on regarde si elle a des critères ESG dans ses opérations, si elle a intégré le risque climatique dans ses opérations, et si elle s’est donné des cibles de réduction d’empreinte carbone », précise-t-il.

« On a humblement la prétention d’influencer des équipes de direction à adopter des facteurs ESG dans leur gestion », dit le PDG.

Guy Cormier à propos…

Des façons de limiter la hausse du prix de l’essence

« Je reviens d’Europe, où j’ai passé huit jours pour affaires, et une des choses que je retiens de mon séjour est à quel point ce qui se passe actuellement stimule l’Europe à faire un virage encore plus rapide vers l’éolien, le solaire et les énergies renouvelables pour devenir moins dépendante du pétrole. Cela aidera éventuellement à diminuer la pression sur les prix. Il faut travailler sur les habitudes et les comportements des gens, et non seulement sur l’offre. » M. Cormier cite l’exemple de l’installation de bornes de recharge pour les voitures. « On pense que ça rassure les gens d’acheter des véhicules électriques. C’est rendu qu’on installe même des bornes de recharge pour les vélos. »

De la demande hypothécaire

« On ne voit pas une baisse des demandes depuis le début de l’année. Le volume continue d’être là, car les gens essaient de devancer leurs transactions en anticipation des hausses de taux à venir. Mais oui, on anticipe certainement vers la fin de l’année et au début de 2023 un volume différent de 2020 et 2021. D’ici là, le marché demeure actif, et les gens ont la capacité de rembourser. Les hausses de taux risquent d’entraîner une diminution de la demande malgré le fait que les taux demeurent historiquement bas. L’offre immobilière disponible affecte aussi la dynamique. Il y a moins de propriétés sur le marché. »

Des particuliers et des PME

« Les gens ont encore beaucoup de liquidités dans leurs comptes et viennent parfois d’obtenir une hausse de salaire de 3, 4 et même 5 %. Ils ont vécu deux années à moins dépenser. De l’épargne s’est accumulée. Les soldes des cartes de crédit ne sont pas à des volumes historiquement anormaux. Le taux de chômage est à son plus bas. Les taux demeurent encore relativement bas. Les entreprises roulent encore à fond de train. Les carnets de commandes des petites entreprises sont remplis. Il y a des enjeux de chaîne d’approvisionnement et de main-d’œuvre, mais les PME ont été bien soutenues durant la pandémie par les organismes gouvernementaux. »

De l’économie en général

« On est optimiste pour 2022. Il pourrait y avoir un ralentissement en 2023 et 2024, c’est clair. Mais il est encore difficile à quantifier. Comment la guerre en Ukraine évoluera-t-elle ? Qu’est-ce qui se passera avec le prix du pétrole ? Est-ce que les hausses salariales vont générer plus d’inflation ? Il faut se donner quelques mois encore pour faire une meilleure lecture. Il est difficile actuellement d’avoir des prévisions de qualité sur 2023 et 2024 parce qu’il y a tellement de bruit, et il faudra voir ce que les actions des banques centrales auront comme impact. »