Plus de 50 ans après son adoption, la Loi sur la protection du consommateur doit être modernisée, croient trois experts qui ont débattu du sujet lors de l’évènement-bénéfice annuel d’Option consommateurs.

Lors d’une table ronde organisée par Option consommateurs et animée par la chroniqueuse de La Presse Marie-Eve Fournier, les trois experts en droit de la consommation étaient unanimes. Dans un marché en évolution, avec de nouvelles pratiques et technologies qui apparaissent chaque semaine et des habitudes de consommations qui changent, la loi a besoin d’être modernisée.

« C’est la pierre angulaire de la politique, la Loi sur la protection du consommateur ; quand c’est désuet, c’est comme une construction qui est fissurée, qui a des vices cachés, et tout le monde en souffre », a illustré Louis Borgeat, président de l’Office de la protection du consommateur de 2007 à 2014.

Nathalie Vézina, professeure à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, observe de son côté avec indignation toutes les clauses d’exclusion de responsabilité et d’avis de non-responsabilité illégales dans les contrats. Un consommateur non avisé croira à tort qu’il n’a aucun droit contre un commerçant qui ne rend pas le service pour lequel il a payé.

Peu importe l’achat de produit ou de service que vous faites, il y a toujours la petite clause qui laisse penser que le problème qu’on rencontre ne s’applique pas et n’est pas couvert.

Nathalie Vézina, professeure à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke

« Si les enjeux ne sont pas énormes, le consommateur n’ira pas chercher l’information », dit Mme Vézina. Et pendant ce temps, le commerçant ou fournisseur de services en profite.

« On a fait des modifications ponctuelles pour répondre à des besoins urgents, soutient la professeure de droit. On a donc une loi qui est en courtepointe avec de petits morceaux qui ont été greffés au fur et à mesure. »

Elle se questionne sur la bonne façon de faire évoluer la Loi sur la protection du consommateur. « C’est là que je suis ambivalente, parce qu’on pourrait décider de tout rebâtir, de tout recommencer, mais on pourrait perdre des acquis. »

Nathalie Vézina suggère de réécrire la loi dans un langage plus accessible afin que les juristes et les consommateurs puissent s’y retrouver, parce qu’actuellement, précise-t-elle, seuls les juristes spécialisés dans le domaine arrivent à la décoder.

« Loi citron »

Jacques Castonguay, ancien membre du conseil d’administration de l’Office de la protection du consommateur, a développé une expertise dans le secteur de l’automobile. À l’instar de quelques États américains, il aimerait voir l’ajout d’une « loi citron ». Cette loi permet de rembourser et de dédommager des consommateurs qui ont acheté un véhicule affligé de problèmes mécaniques perpétuels.

« Ça permettrait à mon sens d’éviter tout type de coûts pour engager des poursuites en annulation du contrat. » Cette démarche, dit-il, nécessite beaucoup d’énergie, de temps et d’argent de la part du consommateur, qui doit se rendre devant les tribunaux avec un avocat.

Pour l’instant, la modification de la loi n’est pas dans les cartons du gouvernement, déjà fort occupé par la pénurie de main-d’œuvre, les changements climatiques, l’immigration, la santé et l’éducation, souligne Louis Borgeat. Toutefois, « la situation idéale pour provoquer la législation, c’est la crise. Quand il y a une crise, les gouvernements sont hypersensibilisés, dit-il. C’est peut-être l’occasion d’aller voir le ministre et de dire : écoutez, la pandémie a causé des choses incroyables. »