Depuis un an, une nouvelle pratique a fait son apparition dans certaines entreprises : le dépistage des employés avec des tests rapides pour la COVID-19. Étant donné le risque de faux négatifs, est-ce que ça en valait la peine ? Une étude montréalaise semble montrer que oui, mais qu’on peut faire mieux quand les résultats du test sont ambigus.

Instructions

L’étude de l’Université McGill portait sur des instructions plus détaillées que celles du fabricant pour l’usage et l’interprétation des tests. « On voit vraiment une grande différence pour l’interprétation des tests positifs faibles, quand la seconde ligne du test est pâle », explique Cédric Yansouni, auteur principal de l’étude publiée dans JAMA Network Open cette semaine, qui est spécialiste des diagnostics de maladies infectieuses au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Avec les instructions du fabricant, les employés des entreprises participantes utilisaient correctement le test dans plus de 90 % des cas où le test était négatif, dans près de 85 % des cas avec un test clairement positif et dans près de 80 % des cas avec un test invalide. Avec des instructions plus détaillées, le taux d’utilisation adéquate dépassait 95 % pour les tests clairement positifs. Plus important, l’utilisation adéquate avec un test faiblement positif passait de 12 % à 56 % avec ces instructions détaillées. « Même quand la ligne est faible, un test positif est un test positif », dit le DYansouni.

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Cédric Yansouni, auteur principal de l’étude publiée dans JAMA Network Open

Tester à répétition

L’étude n’avait pas de données sur la proportion de faux négatifs, seulement sur la mauvaise utilisation du test (le taux de faux positifs était inférieur à 1 %). Mais en général, plusieurs études ont montré que le taux de faux négatifs diminue si on fait des tests rapides à répétition. « Il est très probable que, parmi ces participants asymptomatiques, il y ait eu des faux négatifs, dit le DYansouni. Il faut penser aux tests rapides comme un test pour détecter les personnes qui sont le plus à risque d’être contagieuses pour les autres au moment du test. Il demeure possible que vous soyez infecté malgré un résultat négatif, et que vous deveniez contagieux subséquemment dans les heures où les jours qui suivent un résultat négatif. La meilleure assurance est de faire des tests à répétition pour détecter le plus précocement possible une personne qui pourrait transmettre la COVID aux autres. » Une étude américaine publiée en septembre dernier dans le Journal of Infectious Diseases montrait que si les tests rapides sont faits tous les trois jours ou moins, le taux de faux négatifs est infime.

Une zone grise

À partir du printemps 2021, des entreprises ne pouvant faire du télétravail, comme les usines, ont utilisé les tests rapides pour détecter leurs employés infectés et les renvoyer chez eux pour éviter les éclosions. Mais l’utilisation par un quidam d’un test rapide n’a été autorisée qu’en décembre dernier au Canada. « Au départ, il fallait que les tests rapides soient faits en entreprise par un soignant, dit le DYansouni. Ensuite, on a accepté que ce soit fait par un employé formé pour faire ces tests rapides. Mais il semble bien que plusieurs entreprises aient donné des tests rapides à leurs employés pour qu’ils le fassent eux-mêmes. » Le Canada a été le seul pays avec l’Australie à attendre aussi longtemps pour autoriser les autotests, selon le DYansouni. « On a un système d’évaluation basé sur l’utilisation clinique, quand il faut absolument savoir si une personne est infectée pour décider du bon traitement. Il faudrait un autre système d’évaluation qui tienne compte d’autres décisions, comme les arrangements pour limiter les éclosions par exemple, ou limiter les risques dans des situations sociales. »

13 entreprises

L’étude a été faite entre juillet et octobre derniers auprès de 13 entreprises, choisies parmi un bassin de 168 entreprises ayant déclaré des éclosions. Quatre équipes du CUSM étaient dépêchées dans les entreprises pour y superviser les autotests. En tout, 1892 tests ont été faits sur 647 participants. L’étude évaluait aussi la différence entre la performance du premier et du deuxième autotest, et voyait alors une différence moins marquée entre les instructions détaillées et celles du fabricant. « Ça montre que les gens deviennent meilleurs s’ils doivent faire plusieurs autotests », dit le DYansouni.

Fermer ou tester

La situation actuelle rend le dépistage au travail beaucoup moins répandu. Mais même au pire des vagues Delta et Omicron, les entreprises qui y avaient recours le faisaient seulement lors d’éclosions, selon Geoffroy Denis, spécialiste de la santé au travail à la direction de la santé publique de Montréal-Centre, qui a collaboré à l’étude. « Je compterais sur les doigts d’une main les entreprises qui testaient leurs employés tout le temps, ou qui testaient leurs employés asymptomatiques, dit le DDenis. Avec Omicron, aussi, les choses ont changé parce qu’un test rapide peut être négatif quelques jours après l’apparition des symptômes, puis positif. » Actuellement, la recommandation de la DSP est que les employés symptomatiques fassent deux tests rapides négatifs séparés par au moins 24 heures avant de revenir au travail. »

De son côté, Victoria Drolet, responsable des communications au Conseil du patronat du Québec, estime que les fermetures temporaires sont maintenant plus fréquentes. « Je n’ai pas eu vent que les employeurs faisaient du dépistage systématique chez leur personnel, dit Mme Drolet. Je pense que c’est plutôt rare. Certains employeurs se montrent plus prudents et ferment leur établissement quelques jours si des employés sont contaminés, par exemple des restaurateurs. »

En savoir plus
  • 164 105
    Nombre de tests rapides positifs autodéclarés sur le site du ministère de la Santé en date du 20 mai
    SOURCE : MSSS
    36 645
    Nombre de tests rapides négatifs autodéclarés sur le site du ministère de la Santé en date du 20 mai
    SOURCE : MSSS