Les régions ne sont pas au bout de leurs peines. Air Canada réduit ses services en Abitibi-Témiscamingue deux semaines seulement après l’annonce des billets à 500 $ par le gouvernement Legault. L’aller-retour entre Montréal et Rouyn-Noranda en une journée n’est plus possible, au grand dam des gens d’affaires.

« On va arriver à Montréal en milieu d’après-midi, déplore Éric Beaupré, président et chef de la direction de Technosub, établie à Rouyn-Noranda. C’est du temps perdu. Pour des gens d’affaires, c’est critique. On va être partis une journée de plus. »

Le dirigeant du spécialiste des solutions de pompage pour les secteurs industriel et minier est un habitué des voyages d’affaires aux États-Unis et dans le reste du Canada. Le service aérien s’est tellement dégradé qu’il opte pour l’aéroport de Timmins, en Ontario, lorsqu’il n’a pas à passer par Montréal.

En vigueur depuis le 1er mai, le changement décrété par Air Canada fait en sorte qu’un voyageur qui s’envole depuis Montréal vers Rouyn-Noranda disposerait de 30 minutes une fois à destination s’il souhaite rentrer chez lui le jour même. L’inverse est aussi vrai. Auparavant, un vol depuis l’Abitibi-Témiscamingue était offert aux aurores avec un retour tard en soirée.

M. Beaupré s’explique mal la décision du plus important transporteur aérien au pays alors que plusieurs indicateurs économiques de l’Abitibi-Témiscamingue pointaient dans la bonne direction. Au bout du fil, la mairesse de la municipalité située en Abitibi-Témiscamingue, Diane Dallaire, cache difficilement son mécontentement à l’égard d’Air Canada.

Si j’ai un billet à 500 $, mais qu’il n’y a pas la qualité du service qui va avec, on perd la confiance des usagers.

Diane Dallaire, mairesse de Rouyn-Noranda

« Pour les gens d’affaires, cela ne répond pas du tout aux besoins, raconte-t-elle. La Ville n’est pas heureuse. Cela veut dire partir le lundi et revenir le mercredi, ça n’a aucun bon sens. »

Aucune option

Air Canada était la dernière compagnie aérienne à offrir l’aller-retour quotidien dans la région. Selon Mme Dallaire, des rencontres avec l’entreprise sont prévues au cours des « prochaines semaines ». Reste à voir si le service sera rétabli.

« On aurait souhaité être consultés en amont et pas après », dit la mairesse.

Dans un courriel, Air Canada a simplement dit « prendre note des commentaires » et qu’elle continuait « d’évaluer [sa] planification ». Selon le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda, David Lecours, les gens d’affaires représentent environ 65 % du volume de la liaison. En entrevue, celui-ci n’a pas caché son insatisfaction par rapport à la tournure des évènements, qui aura un impact négatif sur les membres de la Chambre.

Pour l’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek, le cas de Rouyn-Noranda témoigne des limites du plan présenté par le ministre des Transports, François Bonnardel, le 19 avril dernier. Les entreprises et organismes ne sont pas admissibles aux billets subventionnés.

Les sièges à 500 $, c’est surtout pour promouvoir le tourisme plutôt que d’offrir un service adéquat aux habitants des régions. Ce n’est pas un plan à long terme pour assurer un service régional adéquat.

John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill

À terme, Québec devra se résigner à financer certaines liaisons par l’entremise d’appels d’offres – un modèle où la licence d’exploitation est confiée à un transporteur pour quelques années – pour assurer un service adéquat dans certaines régions, croit M. Gradek. Certaines municipalités, comme Gaspé et Baie-Comeau, plaidaient en faveur de ce mécanisme lorsque le gouvernement Legault préparait sa stratégie.

D’autres outils pour Québec

Claudia Loupret, attachée de presse de M. Bonnardel, n’a pas commenté directement l’ajustement d’horaire décrété par Air Canada. Dans un courriel, elle a souligné que la demande était « actuellement très basse » pour plusieurs destinations.

Dans l’éventualité où une région ne serait pas adéquatement desservie dans le futur par un transporteur unique, nous pourrons aller en appel d’offres pour augmenter la desserte.

Claudia Loupret, attachée de presse du ministre des Transports

Cet outil figure parmi les cinq mesures du Plan québécois de transport aérien régional. Elle était passée sous le radar puisque les billets à 500 $ subventionnés par Québec monopolisent toujours l’attention. Aucun marché n’a encore été ciblé pour confier la licence d’exploitation à un transporteur.

L’Union des municipalités du Québec (UMQ), le lobby municipal québécois qui militait depuis des années pour une intervention gouvernementale, n’a pas voulu réagir à la décision d’Air Canada.

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    Nombre de millions qui ont été mis de côté, sur cinq ans, par le gouvernement Legault pour relancer le transport aérien régional.
    source : gouvernement du québec