Une entreprise de Saint-Jean-sur-Richelieu se prépare à lancer la première fusée canadienne en orbite. Il s’agirait aussi de la toute première fusée à être lancée dans l’espace à partir du Canada grâce à un partenariat avec une entreprise des Maritimes.

Reaction Dynamics, que ses ambitions positionnent éventuellement en concurrence avec des entreprises comme SpaceX (du milliardaire Elon Musk) et Rocket Lab (dont la valeur avoisine les 3,5 milliards au NASDAQ), doit révéler mercredi une entente avec Maritime Launch Services, un site de lancement en Nouvelle-Écosse.

Cet accord permet à Reaction Dynamics de devenir un fournisseur de fusées pour des clients souhaitant envoyer de petits satellites (poids moyen de 170 kg) dans l’espace à « faible coût ».

Un premier vol test est prévu en fin d’année et un vol de démonstration sous-orbital de la fusée Aurora suivra en milieu d’année l’an prochain pour permettre de valider la technologie de l’entreprise québécoise. Ce vol de démonstration en 2023 se dessine pour être le tout premier lancement effectué sur le site de Maritime Launch en Nouvelle-Écosse.

Fondée il y a cinq ans, Reaction Dynamics est un fabricant de fusées offrant des services de lancement de satellites. « Notre objectif est d’être un FedEx ou un Uber pour nos clients », lance Bachar Elzein, fondateur, PDG et directeur technique de Reaction Dynamics.

« On veut que les satellites puissent se rendre à des orbites et altitudes bien précises », ajoute le Montréalais qui aura 33 ans la semaine prochaine.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Bachar Elzein, fondateur, PDG et directeur technique de Reaction Dynamics

On utilise un système de propulsion environnementalement supérieur à celui de nos concurrents, mais surtout plus abordable et cela est dû à la simplicité du système de propulsion qu’on a développé.

Bachar Elzein, fondateur, PDG et directeur technique de Reaction Dynamics

« On veut prouver qu’il fonctionne en vol et non seulement au sol. »

Fusées plus « vertes »

Si Reaction Dynamics réussit son pari, l’entreprise pourrait perturber le marché du lancement en orbite.

Bachar Elzein vise un premier vol orbital « approximativement deux ans » après avoir effectué le vol de démonstration. « On vise donc 2024 », dit cet ex-étudiant de Polytechnique Montréal.

Reaction Dynamics soutient que ses fusées émettront, selon les test actuels, 50 % moins de tonnes de CO2 équivalent que la compétition. Si l’impact des lancements demeure marginal aujourd’hui, il pourrait rapidement devenir critique de préserver l’environnement tout en assurant des lancements fréquents, compte tenu de la croissance prévue de l’industrie. Avec sa technologie, l’entreprise se positionne comme l’un des pionniers de l’accès durable à l’espace.

Inscrite en Bourse depuis la semaine dernière, Maritime Launch installera la rampe de lancement près de son siège social de Canso, en Nouvelle-Écosse, une petite ville située au sud de l’île du Cap-Breton donnant directement sur l’océan Atlantique.

L’industrie est en pleine croissance, souligne le grand patron de Maritime Launch, Steve Matier. « Plusieurs développeurs canadiens de satellites aimeraient profiter de capacités de lancement au pays, incluant le gouvernement. Tout ça fait partie de la collaboration avec Reaction Dynamics », dit-il en entrevue.

L’industrie dans son ensemble est déjà évaluée à 400 milliards. Le Canada a l’opportunité de prendre une part de ce marché.

Steve Matier, grand patron de Maritime Launch

Bachar Elzein dit avoir en poche des lettres d’intérêt d’une valeur s’approchant du demi-milliard de dollars de la part d’une douzaine de clients du Canada, des États-Unis et d’Europe intéressés à effectuer des lancements avec une fusée de Reaction Dynamics.

« Beaucoup de ces clients font de l’imagerie et de la télédétection, et la mise en orbite de satellites leur permettra de générer des données », dit-il.

Bachar Elzein dit aussi avoir des discussions avec des opérateurs de télécommunications.

Il évalue le marché potentiel de Reaction Dynamics à quelque 10 000 satellites d’ici les 7 prochaines années. « Et ce chiffre grossit chaque semaine », dit l’entrepreneur aux racines libanaises.

Bachar Elzein est reconnaissant d’avoir jusqu’ici notamment pu compter sur l’appui d’investisseurs privés, d’Investissement Québec et de l’Agence spatiale canadienne.

Il ne veut pas révéler combien l’entreprise a pu recevoir en financement depuis sa fondation, mais à titre d’exemple, dit-il, « une entreprise qui arrive au point où elle est capable de développer et qualifier des moteurs-fusées orbitaux, ça prend habituellement entre 50 et 100 millions. On a réussi à faire ça pour 10 fois moins. »

Sur le point de clôturer une ronde de financement, Reaction Dynamics compte aujourd’hui sur un effectif d’une trentaine d’employés. Le PDG espère que l’entreprise aura une centaine d’employés d’ici deux ans et un effectif de 2000 employés d’ici 5 à 6 ans.

« Le marché est là. Beaucoup des clients à qui l’on parle souhaitent lancer un satellite relativement rapidement. Il y a immensément de demande pour ce qu’on fait. Pour qu’on puisse garder cette opportunité-là et capturer ce marché le plus rapidement possible, il faut progresser vite. »