Elle ne date pas d’hier, mais la politique du plus bas prix garanti adoptée par plusieurs détaillants semble gagner en popularité auprès des consommateurs, plus nombreux depuis le début de l’année à s’en prévaloir dans certains commerces.

L’inflation a eu un effet direct sur le comportement des clients chez Maxi, qui se définit comme une enseigne au rabais, confirme Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications, de Loblaw (Maxi, Provigo). En plus d’une hausse des ventes, de l’achalandage en magasin et du nombre d’articles par transaction, « ces derniers mois, on voit une forte augmentation du nombre de gens qui tirent avantage du programme Imbattable », indique-t-elle.

Le principe est simple : « Si un client voit un produit annoncé moins cher ailleurs, on va égaler le prix. » Le consommateur doit alors fournir une preuve – circulaire, photo – que l’article est moins cher chez le compétiteur. Mme Héroux n’a pas voulu chiffrer cette hausse, mais a soutenu que le nombre de clients y ayant eu recours a augmenté de « façon marquée ».

Annoncée à l’entrée des magasins, aux caisses, en circulaire et même dans une publicité télé mettant en vedette Martin Matte et le populaire joueur de tennis Félix Auger-Aliassime, un athlète « imbattable », cette politique du meilleur prix est connue des consommateurs, estime Johanne Héroux.

Caroline Cadorette, « couponneuse » professionnelle qui économise chaque semaine plus de 300 $ sur sa facture d’épicerie grâce à une utilisation judicieuse des coupons-rabais, a noté elle aussi que davantage de clients ont recours aux garanties de bas prix. Celle qui a formé le groupe Facebook « Couponomiser à l’année » et qui donne des formations pour maximiser l’utilisation des rabais affirme se prévaloir de ce genre de politique depuis longtemps. Mais ces derniers temps, lorsqu’elle fait sa tournée des supermarchés, Mme Cadorette remarque que davantage de clients l’imitent.

Je le vois plus. Souvent, quand je fais la file pour la caisse, il y a quelqu’un en avant de moi qui est en train de préparer ses circulaires. Parfois, les gens sont un peu mélangés. Comme j’ai déjà les photos dans mon téléphone des produits qui sont moins chers ailleurs, je les aide en les montrant à la caissière. Je l’enseigne beaucoup dans mes formations. C’est important de faire ça.

Caroline Cadorette, « couponneuse » professionnelle

Dans les allées des quincailleries, les clients cherchent également le plus bas prix, affirme Richard Darveau, président-directeur général de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). « Les gens magasinent plus qu’avant. »

Plusieurs de ses membres lui ont raconté qu’ils voyaient de plus en plus de consommateurs prendre en photo des articles et, inversement, montrer aux marchands celles qu’ils ont prises chez le compétiteur et réclamer le même prix s’il est plus bas chez l’autre commerçant. Rona et Réno-Dépôt, propriétés de Lowe’s, Canadian Tire ainsi que Patrick Morin comptent parmi les quincaillers offrant la politique du plus bas prix garanti.

Égaler le prix des grandes enseignes

Les politiques du meilleur coût ne sont toutefois pas l’apanage des grandes chaînes. À Coaticook, six commerçants ont uni leurs forces pour mettre en place une garantie de meilleurs prix afin de contrer « l’exode » des consommateurs vers les grandes enseignes et les commerces de Sherbrooke, à moins d’une quarantaine de kilomètres de là, rapportait Radio-Canada la semaine dernière.

En entrevue avec La Presse, l’instigatrice du projet, Nathalie Gagné, également directrice générale de Coaticook Sports, expliquait que les gens, souvent à tort, ont toujours eu l’impression que les commerces de Coaticook vendaient leurs produits plus cher. « On a voulu casser cette idée-là, amener les clients à rentrer dans nos magasins, à voir ce que l’on a en inventaire. »

Depuis la mise en place de cette initiative, Mme Gagné soutient avoir déjà eu des demandes de clients réclamant le même prix qu’un autre détaillant.

Une arme à double tranchant

« [Ce genre de politique] n’est pas quelque chose de nouveau. Mais c’est sûr qu’avec l’inflation, ça peut être plus tentant pour certaines personnes parce qu’on voit que les rabais ne sont pas aussi intéressants qu’auparavant et ils sont aussi moins présents », souligne Sylvie De Bellefeuille, avocate conseillère budgétaire et juridique pour Option consommateurs.

Richard Darveau émet tout de même des réserves. « Ça te donne quoi d’être en affaires si tu n’as plus de marge de profits ? demande-t-il. Tu deviens un fournisseur de produits. »

Le message qu’il lance plutôt à ses membres c’est : « Tenez à vos prix, mais travaillez sur la formation de vos employés qui donneront du service aux clients. Car si vous embarquez dans cette spirale de prix, sachez qu’elle ne se termine jamais. »