Alors que le prix du panier d’épicerie ne cesse d’augmenter, près de 96 % des surplus alimentaires au pays sont gaspillés et prennent le chemin de la poubelle au lieu de se retrouver dans les assiettes des consommateurs les moins bien nantis. C’est du moins ce que rapporte l’étude Une occasion gâchée : inverser la tendance au gaspillage grâce à la récupération, menée par Deuxième Récolte, un organisme de récupération alimentaire, en collaboration avec Value Chain Management International (VCMI).

124 000 camions chargés

C’est ce qui correspond aux quantités d’aliments sacrifiés chaque année par l’industrie alimentaire au Canada, selon l’étude dont les conclusions seront dévoilées mardi. Ainsi, ce sont 3,1 millions de tonnes de nourriture comestible qui sont gaspillées et non récupérées par des organismes chargés de les distribuer aux gens dans le besoin. Pour mener ses recherches, Deuxième Récolte a recensé 127 177 « donateurs de surplus potentiel ». Parmi eux se trouvent notamment des agriculteurs, des transformateurs, des grossistes, des détaillants, des hôtels, des restaurants et des services de traiteur. Et près de la moitié de ces entreprises (45 %) affirment produire des surplus alimentaires, soit des denrées qui ne correspondent pas au standard de l’industrie, mais qui sont comestibles.

S’il n’a pas voulu commenter spécifiquement ces chiffres, Richard Daneau, directeur général de Moisson Montréal, confirme qu’« il y a des quantités faramineuses de nourriture qui sont disponibles ». « Il s’agit juste de s’organiser et de les ramasser », ajoute-t-il.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

En avril 2020 et mars 2021, Moisson Montréal a mis la main sur 21 millions de kilogrammes de nourriture pour une valeur de 120 millions de dollars.

La part des supermarchés

Selon l’étude, parmi ceux qui ont des surplus, près de 94 % des répondants dans l’industrie de l’hôtellerie et de la restauration affirment en produire moins d’une tonne par mois, contre 6,4 % qui en génèrent une tonne ou plus. Du côté des détaillants, ce sont 93 % qui se retrouvent avec des excédents totalisant moins d’une tonne et 7,3 % avec une tonne et plus. Près de 63 % des grossistes, quant à eux, ont répondu produire une tonne ou plus de surplus mensuellement. Difficile toutefois de savoir ce qu’il advient des surplus générés par ces entreprises. Interrogé à ce sujet, Michel Rochette, président pour le Québec du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) – qui représente les grandes enseignes comme IGA, Metro, Loblaw, Costco et Walmart –, assure que de nombreux efforts sont déployés par les supermarchés pour limiter le gaspillage. « Il n’y a aucun supermarché au Québec qui a intérêt à perdre de la nourriture », souligne-t-il. M. Rochette ajoute que toutes les enseignes participent au Programme de récupération en supermarchés (PRS) permettant d’acheminer les invendus vers des organismes de récupération des aliments. « Il y a un maximum d’efforts qui sont faits. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Près de 63 % des grossistes disent produire une tonne ou plus de surplus alimentaires mensuellement.

Des obstacles

L’absence d’avantages financiers, les politiques décourageant les dons de nourriture et le manque de coordination entre les organismes de récupération et les entreprises sont autant de freins à la réduction du gaspillage alimentaire, énumère le rapport. « Les entreprises hésitent souvent à quantifier leurs surplus et ne font pas de dons pour des raisons de salubrité alimentaire, de responsabilité civile et d’aspects financiers », peut-on lire.

« Présentement, le coût pour envoyer les surplus au site d’enfouissement est si faible que, pour les entreprises, chercher une autre solution, ça n’en vaut pas la peine », soutient Marie-José Mastromonaco, directrice des opérations pour Deuxième Récolte.

C’est toujours possible qu’il y ait des problèmes de coordination. Mais nous autres, quand un donateur nous appelle, on va faire des pieds et des mains pour aller chercher les denrées », ajoute-t-il.

Richard Daneau, directeur général de Moisson Montréal

Et son organisme cherche toujours des façons d’augmenter la quantité de nourriture pouvant être récupérée. Par exemple, Richard Daneau est actuellement en discussion avec l’un de ses donateurs pour augmenter son apport en fruits et légumes. « On essaie de trouver des moyens pour [aller en chercher plus] sans ramener des poubelles, insiste-t-il. Ce n’est pas parce qu’on donne ça à des personnes pauvres qu’il faut leur donner des aliments qui ne sont plus beaux. » Pour « sauver » le plus grand nombre de fruits et légumes possible, Moisson Montréal s’est doté d’installations pour assainir et blanchir ce type d’aliment, lui donnant une durée de vie plus longue.