La relance du transport aérien en région passera par un programme de rabais pour réduire le coût d’un billet d’avion, a appris La Presse. Cette mesure sera la pierre d’assise de la stratégie du gouvernement Legault, dont le dévoilement est imminent.

Après plusieurs mois d’analyse, Québec a décidé de ne pas s’immiscer dans la gestion des activités des compagnies aériennes ni de financer directement l’émergence d’un nouveau transporteur régional – comme le réclament les partisans de la Coopérative de transport régional du Québec (TREQ).

On s’adressera directement aux consommateurs pour les convaincre d’opter pour l’avion plutôt que l’automobile, a-t-on appris auprès de plusieurs sources au fait du dossier, mais qui ne sont pas autorisées à s’exprimer publiquement.

« Le pari du gouvernement, c’est que l’incitatif incitera la population à voler, ce qui amènera davantage de volume aux transporteurs », explique une des sources consultées par La Presse.

Très attendue, la stratégie devait être présentée ce vendredi, mais son dévoilement a été repoussé de quelques jours. Quelques détails ne seraient pas finalisés. L’évènement devrait donner une idée de la façon dont seront alloués les 234 millions sur cinq ans mis de côté pour le transport aérien régional dans le dernier budget du ministre des Finances, Eric Girard.

Les modalités du modèle retenu seront également présentées. On prévoit 34 millions cette année pour établir des « dessertes régionales accessibles ».

Les acteurs régionaux souhaitent une baisse du prix des billets ainsi qu’une augmentation de la fréquence des vols, surtout depuis qu’Air Canada a délaissé des marchés comme Baie-Comeau, Gaspé, Mont-Joli, Val-d’Or et les Îles-de-la-Madeleine (en dehors du service estival) en juin 2020. Le plus important transporteur au pays a conclu des ententes interlignes afin de desservir ces destinations.

Lisez notre texte « Les régions tapent du pied »

Un outil en place

Actuellement, le Programme de réduction des tarifs aériens (PRTA) permet à six régions – Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Eeyou Istchee Baie-James, Gaspésie et Îles-de-la-Madeleine ainsi que Saguenay–Lac-Saint-Jean – de bénéficier de taux de remboursement oscillant entre 30 et 60 %. Le plafond annuel varie entre 500 $ et 3000 $. Il faut soumettre la demande de remboursement au ministère des Transports du Québec après l’achat du billet.

Reste à voir si l’on optera pour un élargissement de cette mesure ou un autre programme. On devrait ratisser large, puisque le budget précise que l’initiative « vise à donner à l’ensemble des Québécois l’accès à des tarifs » concurrentiels.

Dans un rapport de 47 pages soumis au gouvernement Legault au printemps 2021 et qui a récemment été rendu public, Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal, écrivait que le PRTA, qui a coûté environ 6 millions en 2019-2020, était « efficace » pour les régions éloignées.

« Ces données nous permettent de conclure que la tarification n’est peut-être pas aussi problématique qu’on le pense, et ce, en bonne partie grâce au programme », écrit le spécialiste.

Parmi les pistes de solution évoquées par le rapport, le professeur Roy recommandait « d’évaluer un nouveau système de réduction des tarifs en appliquant le rabais automatiquement lors de l’achat du billet d’avion ».

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal, a remis un rapport au gouvernement Legault l’an dernier.

« Il reviendrait au transporteur aérien de vérifier l’admissibilité du voyageur et de se faire rembourser mensuellement par le MTQ, écrit-il. Une telle approche aurait le mérite d’être beaucoup plus simple, à la fois pour le voyageur et le MTQ. »

Un comité de suivi doit toutefois être mis en place pour « intervenir en cas de besoin » si, par exemple, des transporteurs aériens augmentaient leurs tarifs en sachant que des rabais sont offerts.

Consultez le rapport de Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal

M. Roy a préféré attendre la présentation du plan gouvernemental avant de commenter davantage.

Des pistes différentes

Le portrait varie d’un endroit à l’autre au Québec en matière de desserte régionale. La stratégie de Québec risque de ne pas plaire à tous. Certaines municipalités, comme Baie-Comeau et Gaspé, plaident pour le financement de liaisons par l’entremise d’appels d’offres – où la licence d’exploitation d’une liaison est confiée à un transporteur pour quelques années à la suite d’un appel d’offres.

À des endroits comme les Îles-de-la-Madeleine, cette formule était moins populaire.

Par ailleurs, tout indique que le gouvernement Legault ne montera pas à bord du projet de TREQ pour le moment, qui sollicite un prêt de 4 millions. La coopérative a déjà reçu un prêt sans intérêt de 3,5 millions d’Ottawa. Elle dit compter plus de 15 000 membres. Son arrivée aurait probablement des répercussions chez des compagnies comme Pascan, Air Inuit et Air Creebec, qui tentent de se relever de la crise sanitaire.

En savoir plus
  • 107
    Depuis le début de la pandémie, Québec a versé 107 millions en aide d’urgence au secteur du transport aérien régional. Cela tient compte des 21 millions prévus cette année.
    source : Gouvernement du Québec