(Ottawa) Les producteurs de pétrole et de gaz du Canada peuvent augmenter leur production de l’équivalent de 300 000 barils par jour d’ici la fin de l’année pour aider à remplacer les combustibles fossiles russes, a déclaré jeudi le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.

M. Wilkinson, s’exprimant à la fin d’une réunion de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à Paris, a déclaré que les deux tiers seraient du pétrole et le reste du gaz naturel.

« Les amis et alliés européens du Canada vivent une crise de sécurité énergétique, une crise qui pourrait avoir un impact sur l’industrie, la mobilité et même le chauffage des maisons, a déclaré M. Wilkinson. Nous nous devons de répondre à cette crise. »

Dans le cadre des sanctions économiques destinées à punir la Russie pour son invasion en Ukraine, les alliés occidentaux tentent également de couper toute dépendance vis-à-vis de la Russie pour le pétrole et le gaz.

Le Canada et les États-Unis pourraient le faire sans trop de difficulté parce qu’ils importent déjà très peu de la Russie. Cependant, l’Europe dépend de la Russie pour environ un quart de son approvisionnement en pétrole et 40 % de son gaz.

L’AIE a indiqué que l’Union européenne a importé environ 380 millions de mètres cubes de gaz naturel et 2,3 millions de barils de pétrole de Russie chaque jour en 2021.

Ce que le Canada peut offrir remplacerait moins de 5 % des importations européennes de gaz en provenance de Russie et moins de 10 % de ses importations russes de pétrole.

Garder l’œil sur la lutte au changement climatique

M. Wilkinson a déclaré que la production canadienne supplémentaire remplacerait les carburants russes, de sorte qu’elle ne devrait pas entraîner une augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. Il a dit que cela se faisait avec un œil attentif sur les engagements du Canada en matière de changement climatique, mais que le Canada ne peut pas fermer les yeux sur le sort de l’Europe.

« Nous avons nos alliés européens qui sont confrontés à la perspective de ne pas pouvoir chauffer leurs maisons ou remplir leurs camions qui desservent réellement leurs épiceries et leurs restaurants », a-t-il déclaré.

« Il serait incroyablement irresponsable de la part du Canada de dire : “on s’en fout, on va se boucher les oreilles et on va essentiellement prétendre que cette crise n’existe pas”. Ce n’est pas ce que nous essayons de faire. Ce n’est pas ce que font les alliés. »

Le Canada n’a pas l’infrastructure nécessaire pour expédier directement du pétrole ou du gaz vers l’Europe. Au lieu de cela, il voyagera par les pipelines existants vers les États-Unis, qui ont accepté de l’acheminer vers le golfe du Mexique pour l’exporter vers l’Europe, avant ou après son raffinage.

L’industrie pourrait ne pas suivre

Ces pipelines sont presque pleins, a déclaré Ben Brunnen, vice-président des sables bitumineux, de la politique fiscale et économique de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, qui représente les plus grands producteurs de pétrole du pays.

Bien que l’industrie a la capacité d’augmenter légèrement la production et les exportations, les chiffres cités par M. Wilkinson constituent le « meilleur scénario », a dit M. Brunnen.

« Il est important de souligner qu’il s’agit de la capacité potentielle, ce n’est pas nécessairement ce que l’industrie ferait. D’autres défis et préoccupations incluent les coûts d’inflation, l’accès aux plateformes, les coûts de main-d’œuvre, a-t-il déclaré. Ainsi, même si une entreprise était encouragée à augmenter sa production, elle pourrait ne pas le faire, car cela serait illogique sur le plan économique. »

Alors que M. Brunnen a dit qu’il saluait la volonté du gouvernement fédéral de reconnaître un rôle à court terme pour le Canada dans la crise actuelle de l’approvisionnement énergétique, il a dit que la vraie question est de savoir ce qui se passera à moyen et à long terme.

« Toute entreprise qui envisage d’augmenter sa production sera confrontée au risque supplémentaire que la communauté des investisseurs ne soutienne pas nécessairement cette croissance, ce qui a certainement été le cas ces dernières années, a-t-il déclaré. Donc, à moins qu’il n’y ait un signal clair du gouvernement indiquant un soutien à la croissance de la production et du transport, il y a un risque véritable que la communauté des investisseurs ne soutienne pas ces entreprises et tout plan de croissance. »

La ministre de l’Énergie de l’Alberta, Sonya Savage, a fait écho à ces réflexions, affirmant que le gouvernement fédéral a « diabolisé » l’industrie pétrolière et gazière pendant trop longtemps et que, par conséquent, la capacité de croissance de l’industrie est limitée.

« Nous devons être beaucoup plus ambitieux à long terme. Nous devrions envisager d’apporter un million ou un million et demi de barils supplémentaires à plus long terme pour remplacer le pétrole russe, a déclaré Mme Savage. Mais nous avons besoin que le gouvernement fédéral recule et ne soit pas dans le chemin. »

M. Wilkinson a dit que le Canada est « très ouvert à la discussion » sur ce qu’il peut faire d’autre pour aider, y compris de nouveaux terminaux sur la côte est pour exporter du gaz naturel liquéfié canadien vers l’Europe.

Mais il a ajouté que ces investissements dépendent fortement de la compréhension du temps qu’il faudrait pour les faire fonctionner et de la capacité de s’assurer que toute nouvelle infrastructure gazière est « à émissions ultra-faibles » afin qu’elle n’augmente pas l’empreinte carbone du Canada en cours de route.

Ils devraient également être en mesure de passer éventuellement à l’hydrogène, car « c’est là que tout le monde veut aller », a-t-il déclaré.

Le Canada cherche à devenir un exportateur net d’hydrogène comme source d’énergie, mais ses propres projets nationaux n’en sont qu’à leurs débuts. M. Wilkinson a déclaré que le Canada et l’Europe sont tous deux déterminés à accélérer la transition vers les énergies renouvelables.

L’Europe étudie un certain nombre d’autres options pour réduire ses besoins en pétrole et en gaz naturel à court terme, notamment l’accélération des projets éoliens et solaires, l’augmentation de l’utilisation de la bioénergie, le report de l’arrêt de certaines centrales nucléaires et l’accélération de l’utilisation des thermopompes.

Un programme d’urgence

Keith Stewart, stratège énergétique principal de Greenpeace Canada, a déclaré que les nouvelles sources d’énergie renouvelables « peuvent être déployées beaucoup plus rapidement que les nouvelles infrastructures pétrolières et gazières ».

Il a soutenu que le Canada devait créer un programme d’urgence pour fabriquer des thermopompes et des éoliennes pour l’Europe, comme il l’a fait avec des avions et des chars pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il souhaite également que le Canada mette en œuvre le plan en 10 étapes de l’Agence internationale de l’énergie pour réduire la demande de pétrole au pays.

Ces mesures comprennent la réduction des limites de vitesse sur les autoroutes de 10 kilomètres à l’heure, la présence d’employés pouvant travailler à domicile au moins trois jours par semaine, l’encouragement de l’utilisation des transports en commun en réduisant les coûts et la mise en œuvre de politiques visant à réduire l’utilisation des voitures dans les centres-villes, comme l’alternance des jours où les gens peuvent amener leur voiture au centre-ville.

M. Wilkinson a déclaré que l’agence avait demandé à tous les ministres de l’énergie présents à la réunion de Paris de mettre en œuvre le plan, et a noté que la capacité du Canada à aider l’Ukraine et le reste de l’Europe en matière de sécurité énergétique signifie que le Canada « peut et devrait certainement » trouver des moyens de réduire sa propre consommation de combustibles fossiles.