Consternés par la guerre qui trouble leur famille et leurs compatriotes, les entrepreneurs québécois d’origine ukrainienne Eric et Peter Boyko unissent leurs efforts pour lancer une initiative visant à faciliter l’arrivée d’immigrants-travailleurs ukrainiens au Canada et leur intégration.

Cofondateur et grand patron du fournisseur montréalais de services musicaux Stingray, Eric Boyko soutient que près d’une vingtaine d’entreprises québécoises participent au projet, de Bombardier à Alimentation Couche-Tard, en passant par CAE, Coveo, Produits forestiers Résolu, Pomerleau, Novacap, Broccolini, 5N Plus, la Banque Nationale et d’autres.

Ces entreprises ont confirmé, dit-il, vouloir parrainer chacune jusqu’à 80 familles touchées par la crise en leur offrant des emplois et des moyens de subsistance en attendant que la situation se stabilise.

« L’objectif est de recruter des travailleurs », dit Eric Boyko.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Eric Boyko

« Les départements de ressources humaines des entreprises vont travailler ensemble pour dresser des listes de candidats et échanger des informations sur les meilleures pratiques. Elles ont toutes besoin d’employés. C’est une question de focus. Au lieu d’engager des travailleurs provenant d’autres pays, on va prioriser l’Ukraine », dit Eric Boyko.

Selon leurs qualifications, les candidats ukrainiens seront considérés pour des postes, par exemple, de comptable, d’ingénieur informatique, ou des emplois en entrepôt.

Recruter en Ukraine était auparavant très complexe, en raison notamment des tests de sécurité, souligne Eric Boyko. Les mesures annoncées jeudi dernier par le gouvernement fédéral ouvrent maintenant la porte, dit-il. « Stingray a travaillé fort avec Ottawa et Québec pour faire avancer les choses. »

Le projet mené par Stingray est chapeauté par l’ex-maire de Montréal et ancien ministre de l’Immigration du Canada Denis Coderre. « Il y a beaucoup de travail à faire avec Ottawa et Québec dans ce dossier », dit Eric Boyko en parlant de la contribution de Denis Coderre, qui est de retour chez Stingray dans un rôle de conseiller au développement international.

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Denis Coderre

Québec inc. joue un rôle humanitaire dans cette crise en devenant une solution pour les déplacés ukrainiens. Il s’agit d’une formule gagnante-gagnante.

Denis Coderre

« C’est la dignité par le travail. Il y a un volet humanitaire, et les gens qui viennent ici comblent un problème de main-d’œuvre », poursuit l’ex-politicien.

« Notre contribution est de faire venir des familles qui vont venir trouver une quiétude et contribuer à l’effort commun avec des compétences et des expertises précises », dit Denis Coderre.

Racines ukrainiennes

Eric Boyko souligne que son frère et lui se sentent interpellés en raison de leurs racines ukrainiennes et parce que des membres de leur famille vivent près de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, mais aussi parce qu’ils ont des employés là-bas.

Si Stingray avait une dizaine d’employés en Ukraine avant le début de la guerre, Trans-Pro Logistique, l’entreprise montréalaise de transport de marchandises fondée et dirigée par Peter Boyko et dont Eric Boyko est actionnaire, en avait 38.

PHOTO FOURNIE PAR ERIC BOYKO

Photo de la famille Boyko prise il y a quatre ans à Lviv, en Ukraine, lors du 80anniversaire du père d’Eric et Peter Boyko. Le paternel est au centre de la photo, entouré de ses deux fils et du reste de la famille.

« On y allait souvent. On était très fiers de nos bureaux en Ukraine », dit Eric Boyko. « Avant la guerre, on encourageait déjà beaucoup d’entreprises à y ouvrir des bureaux », dit l’entrepreneur né à Montréal d’un père ukrainien et d’une mère franco-ontarienne de la région d’Ottawa.

Évidemment, les hommes qui n’ont pas quitté avant le début de la guerre ne peuvent quitter l’Ukraine présentement. Beaucoup de femmes risquent donc d’être embauchées. Elles pourront venir en compagnie de leurs enfants et de leurs parents.

Peter Boyko indique que 90 % des 38 employés de Trans-Pro en Ukraine – en majorité affectés au service à la clientèle et à la répartition pour les activités en Amérique du Nord – étaient des femmes.

Il affirme que les Ukrainiens sont dévoués à l’ouvrage et qu’ils ont une « belle » culture. « Les parents et les grands-parents des gens de notre génération ont vécu la Seconde Guerre mondiale. Ces gens apprécient le quotidien et l’ouvrage et disent merci. »

Les gens sont très éduqués et ont souvent deux emplois. Chez Trans-Pro, nous avons notamment des médecins, des avocats et des gens ayant un doctorat en biologie. La raison pour laquelle ces gens travaillent chez Trans-Pro est parce que les salaires sont moindres en Ukraine.

Peter Boyko

« Un médecin en Ukraine gagne 500 $ US net par mois. Ils n’ont pas le choix d’avoir deux emplois. Un médecin gagne beaucoup plus en tant que répartiteur chez Trans-Pro. Et travailler pour une entreprise canadienne est plutôt bien perçu étant donné qu’il y a 1,4 million d’Ukrainiens au Canada. »

Chez Bombardier, le porte-parole Mark Masluch affirme que l’organisation est fière de participer à cette initiative. « On était déjà en évaluation de nos besoins », dit-il, précisant que Bombardier aimerait notamment pourvoir des emplois en technologies de l’information.

À la Banque Nationale, la direction s’est également dite « fière » de participer à l’accueil de familles ukrainiennes dans le cadre de cette initiative. « Nous travaillons à finaliser les détails de notre contribution », dit la porte-parole Marie-Pierre Jodoin.