Le futur train à grande fréquence (TGF) est teinté d’opacité selon les partis d’opposition qui exhortent le gouvernement Trudeau à expliquer pourquoi il laissera le secteur privé décider des tarifs et des horaires pour cet important projet.

Ottawa souhaite confier à un « partenaire » l’exploitation des trains de VIA Rail qui circuleront sur le couloir réservé entre Québec et Toronto — le plus achalandé et le plus payant pour la société d’État. La Presse a pu constater ce scénario à la lecture de la demande d’expression d’intérêt — un document d’environ 75 pages diffusé discrètement au cours des derniers jours. Aucune autre option n’est envisagée.

« On nous dit “c’est ça qui est ça”, affirme Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique. Est-ce qu’il y a eu des études comparatives ? Est-ce que d’autres solutions ont été étudiées ? On voudrait des réponses. »

En conférence de presse à Montréal le 9 mars dernier, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, s’était limité à inviter le privé dans l’aventure, sans offrir plus de détails.

Le plan prévoit que transférer tous les services de VIA Rail dans le corridor Québec-Toronto à une filiale qui s’occupera de la perception des revenus. Elle aura son mot à dire sur tous les aspects. Si l’on prévoit des balises à respecter pour les tarifs et les horaires, aucun détail n’est fourni.

Interrogés par La Presse, des experts en planification des transports se sont montrés surpris de l’absence de détails expliquant le choix d’Ottawa. Le modèle dans lequel une compagnie privée exploite un réseau de transport public existe ailleurs dans le monde.

Lisez l’article « Le privé dans le siège du conducteur »

M. Alghabra n’a jamais expliqué en détail pourquoi cette option avait été privilégiée. Dans un courriel, vendredi, son cabinet s’est limité à dire que le TGF était le « plus important projet d’infrastructure de transport en commun » de l’histoire du Canada et qu’il fallait le « faire correctement ».

Plusieurs inquiétudes

Pour employés de VIA Rail, plusieurs questions demeurent sans réponse. Tout indique qu’ils pourraient être transférés dans une nouvelle entité ou aboutir chez le partenaire qui sera retenu par Ottawa.

Il n’y a pas eu de débat public et toutes ces informations nous arrivent comme un cheveu sur la soupe. Qu’est-ce qui va arriver aux employés ? J’ai l’impression que c’est une sorte de faux-fuyant où l’on tente de ne pas les décevoir. Je pense qu’il y a un besoin de clarifier les choses. Mon impression, c’est que le gouvernement ne sait pas où il s’en va. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il veut que ce soit le privé qui exploite le projet.

Xavier Barsalou-Duval, porte-parole du Bloc québécois en transport

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député du Bloc québécois, Xavier Barsalou-Duval

Transports Canada affirme qu’il n’y aura pas de « privatisation de VIA Rail », qui exploite des trajets interurbains à travers le pays.

« Nous exigerons que toute entente avec un partenaire du secteur privé respecte les conventions collectives et les avantages sociaux, démontre comment le partenaire travaillera avec les employés et syndicats de VIA Rail et veillera à ce que les employés actuels bénéficient des opportunités d’emploi que le projet offrirait », affirme le cabinet du ministre Alghabra.

Selon son plus récent rapport annuel, VIA Rail compte quelque 2800 travailleurs à temps plein.

« L’incapacité du gouvernement libéral à fournir des informations significatives sur la façon dont le corridor ferroviaire à haute fréquence de VIA Rail sera construit et exploité n’inspire aucune confiance quant à la réalisation de cet engagement », a fait valoir la responsable des transports au Parti conservateur, Melissa Lantsman.

Le TGF circulerait sur des voies ferrées réservées, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les trains rouleraient plus rapidement, jusqu’à 200 km/h, ce qui devrait engendrer des gains sur tous les trajets. Montréal-Québec se ferait en 2 h 55 min ou 3 h, plutôt que 3 h 24 min à l’heure actuelle.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE VIA RAIL

Le réseau prévu du TGF de VIA Rail.

Après avoir évoqué un budget de 6 à 12 milliards pour le TGF l’été dernier, M. Alghabra a affirmé qu’il n’aurait pas dû s’avancer. La facture risque donc d’être plus élevée, mais le ministre ne veut plus évoquer de chiffres.

En savoir plus
  • 2030
    La mise en service du TGF est prévue au début de la prochaine décennie. Les travaux doivent débuter vers 2025.
    gouvernement du canada