La première pelletée de terre du train à grande fréquence (TGF) pour relier Québec, Montréal et Toronto n’a pas encore eu lieu et la facture de 6 à 12 milliards évoquée par le gouvernement Trudeau pour ce projet ne tient déjà plus la route.

En invitant le secteur privé à faire partie de l’aventure, mercredi, au centre d’entretien montréalais de VIA Rail, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a tenté de corriger le tir après avoir ouvert son jeu en août dernier.

« Vous savez, l’année dernière, lorsque j’ai mentionné cette estimation, mon équipe m’a rappelé que je n’aurais pas dû dire cela […] parce qu’il y a encore beaucoup de questions sans réponse », a répondu le principal intéressé, lorsqu’interrogé sur cet aspect.

Même si Transports Canada avait déjà présenté une estimation des temps de trajet en TGF l’été dernier, M. Alghabra et son équipe n’étaient pas en mesure d’offrir des réponses aux représentants des médias pendant la conférence de presse.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le ministre des Transports, Omar Alghabra, au lutrin

Il y a toujours plusieurs points d’interrogation à ce stade-ci du projet. Le gouvernement Trudeau ne veut plus s’avancer sur la facture. Les exigences en matière de contenu local n’ont pas été précisées. Le ministre fédéral des Transports s’est limité à dire qu’Ottawa désirait susciter l’intérêt d’entreprises établies au pays ainsi qu’à l’étranger.

Dans un contexte où les prix des matériaux explosent et avec des difficultés d’approvisionnement, M. Alghabra ne veut plus parler d’argent à ce stade-ci d’un projet. La construction devrait débuter vers 2025 et la mise en service est attendue au début de la prochaine décennie.

« Nous savons que cela va coûter des milliards de dollars, a-t-il dit. Mais il est trop tôt pour que je vous donne un coût. »

Anticipé

Actuellement, les trains de VIA Rail doivent partager les voies avec les trains de marchandises, qui ont la priorité. Cela engendre des retards. Moins de 70 % des trains de VIA Rail arrivent à destination à l’heure prévue. Selon la société de la Couronne, l’assiduité atteindrait 95 % avec des voies ferrées réservées.

Selon l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, la prévision de M. Alghabra était « conservatrice » en août dernier. Il ne serait pas surpris de voir la facture dépasser les 12 milliards.

Moi, je vous dis que c’était optimiste [la prévision de M. Alghabra]. Il y a plusieurs points d’interrogation dans le projet, notamment pour savoir comment on entre à Montréal et à Toronto. Quand on regarde les coûts d’autres projets ferroviaires en Amérique du Nord, la facture est généralement plus élevée.

Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal

Le TGF prévoit aussi que les trains circuleront plus vite, jusqu’à 200 km/h. Cela va donc engendrer des gains sur tous les trajets. Montréal-Québec se ferait en 2 h 55 min ou 3 h, plutôt que 3 h 24 min à l’heure actuelle.

Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas disposer de train à grande vitesse (TGV), qui peut atteindre 300 km/h. Ottawa dit avoir analysé l’option, mais après une étude comparative, il a tranché en faveur de la fréquence. Transports Canada affirme que la facture pourrait atteindre 65 milliards pour un TGV Québec-Toronto et 40 milliards pour le couloir entre Montréal et la Ville Reine.

« La question fondamentale, c’est si la différence de prix entre le TGF et le TGV se rétrécit ou les coûts pour les deux projets étaient sous-estimés et les budgets explosent, souligne M. Barrieau. Pour moi, c’est le nerf de la guerre. »

En faisant le tour

Le tracé exact du projet de train à grande fréquence n’est pas encore connu.

Néanmoins, M. Alghabra affirme qu’en provenance de la couronne nord, le TGF rejoindra la gare Centrale de Montréal sans emprunter le tunnel sous le mont Royal, qui sera accaparé par le Réseau express métropolitain de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

« Le train va contourner la montagne, dit le ministre. Mais comme nous allons travailler avec des partenaires, s’ils proposent des idées auxquelles nous n’avons pas pensé et qui amélioreront les choses, nous allons certainement revoir nos plans. »

Le processus déployé par le gouvernement Trudeau devrait s’échelonner jusqu’au mois de septembre 2024 – l’échéance pour répondre à l’appel de propositions du projet. Unifor s’est opposé à la stratégie d’Ottawa en estimant qu’il s’agissait d’une « privatisation » du corridor ferroviaire Québec-Windsor de VIA Rail.

En savoir plus
  • 2016
    Année où VIA Rail a proposé le projet de train à grande fréquence au gouvernement fédéral
    Source : gouvernement du Canada