Difficile d’acheter local quand on ne trouve pas les fournisseurs. La problématique touche bon nombre d’entreprises, incapables de changer leurs façons de faire malgré les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, constate un sondage réalisé par Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) qui sera publié ce mercredi. Les interruptions de production provoquées par la COVID-19, les retards de livraison et l’explosion des coûts de transport, notamment dans le secteur maritime avec la flambée du prix des conteneurs, ont privé les 300 répondants du coup de sonde d’au moins 8 milliards de dollars de ventes. Tour d’horizon.

Où sont les fournisseurs ?

En théorie, la proximité géographique des fournisseurs apaiserait les tensions logistiques. Dans la pratique, le portrait est différent.

Quelque 45 % des répondants au sondage se disent incapables de trouver des fournisseurs canadiens pour leurs « intrants essentiels ». Résultat : une majorité de répondants seront contraints de conserver leur modèle d’approvisionnement actuel au cours des cinq prochaines années.

Même avec des fournisseurs locaux, l’équilibre est précaire. Le fabricant québécois de bottes et de chaussures Kamik – qui dit réaliser 70 % de sa production au pays – en sait quelque chose.

« On avait un fournisseur local qui a fermé l’an dernier, dit Joe Bichai, vice-président, fabrication, de l’entreprise, en entrevue téléphonique. Grâce au bouche-à-oreille, on en a trouvé un autre, mais le prix est exorbitant. »

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Joseph Bichai, vice-président, fabrication, de Kamik

S’approvisionner en tissu devient de plus en plus difficile.

Joe Bichai, vice-président, fabrication, de Kamik

Dans ce contexte, celui-ci estime qu’il n’est pas étonnant que de nombreuses entreprises soient incapables de trouver des fournisseurs au Canada ou aux États-Unis.

Seulement 20 % des entreprises sondées croient pouvoir rapatrier une partie de leur approvisionnement au pays, tandis que 63 % ne prévoient « aucun changement » à leur modèle actuel.

Plus cher et pas d’employés

Dans l’ordre, la disponibilité de la main-d’œuvre, le coût du travail et le prix des matières premières sont les trois principaux freins à la relocalisation ou à l’augmentation de la production dans le marché local.

Pour certains produits, il est difficile de rivaliser avec des pays comme la Chine, l’Inde et le Viêtnam, où les coûts de production sont bien moins élevés.

« Nous avons un modèle de bottes de chasse qui est fabriqué ici, nous importons le collet, explique M. Bichai. Il nous coûte environ 1 $. Quand nous avons regardé ici, le prix, uniquement pour la matière première, était de 1,50 $. »

C’est très difficile pour des fournisseurs d’ici de concurrencer des pays à bas coûts. On peut trouver des fournisseurs locaux, mais le prix augmente. C’est un cercle vicieux.

Joe Bichai

La présidente-directrice générale de MEQ, Véronique Proulx, estime que les gouvernements ont des outils pour atténuer l’incidence des deux principaux obstacles cernés par les répondants.

Il s’agit d’assouplissements pour permettre au Québec d’accueillir un plus grand nombre de travailleurs temporaires et des politiques plus agressives afin d’aider des PME à accélérer l’intégration de nouvelles technologies, qui sont dispendieuses.

« L’augmentation des matières premières, les délais de livraison… ce sont des facteurs sur lesquels on n’a pas de contrôle, dit Mme Proulx. Mais on peut quand même donner des moyens aux entreprises pour produire davantage ici malgré le manque de travailleurs. »

Moins compétitives

Bien implantée depuis des années, la méthode juste-à-temps a été mise à mal depuis le début de la pandémie. Elle consiste à coordonner la production en fonction des commandes plutôt que des stocks.

Parmi les initiatives déployées par les entreprises pour s’adapter aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, l’augmentation des stocks a été évoquée par 70 % des répondants.

Ce constat préoccupe Mme Proulx.

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Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

« Cela engendre une augmentation des coûts qui vient toucher la compétitivité des entreprises, affirme la présidente de MEQ. Dans leurs budgets, on demande aux deux gouvernements [Québec et Ottawa] de tenir compte de cette réalité-là. »

Un effet vaccin limité

Les exigences de vaccination pour les camionneurs qui souhaitent traverser la frontière canado-américaine ont fait couler beaucoup d’encre. Le milieu des affaires allait même jusqu’à craindre une rupture de la chaîne d’approvisionnement.

Alors que 48 % des répondants anticipent une augmentation « significative » des retards et des coûts, 31 % des entreprises sondées ont répondu le contraire, tandis que 21 % ont préféré ne pas répondre.

« Ça n’a peut-être pas eu l’ampleur que nous avions prévue au départ, reconnaît Mme Proulx. Mais cela s’ajoute aux difficultés actuelles. Les retards augmentent quand même. »

La présidente de MEQ affirme que pour beaucoup d’entreprises, les exigences de vaccination pour les camionneurs demeurent des « difficultés difficiles à isoler ». Elle rappelle que le sondage a été mené du 8 au 28 février et que le portrait pourrait changer au cours des prochaines semaines.

En savoir plus
  • 2023
    La majorité des répondants (52 %) au sondage de MEQ croient que la chaîne d’approvisionnement sera perturbée jusqu’à l’année prochaine.
    Source : manufacturiers et exportateurs du Québec
  • 60 %
    Il s’agit de la proportion des entreprises sondées qui qualifient de « majeure » ou « sévère » la gravité des perturbations logistiques.
    Source : MANUFACTURIERS ET EXPORTATEURS DU QUÉBEC