Instacoin annonce le départ de son actionnaire fondateur, Simone Onofrio Santamaria, dans la foulée des révélations de La Presse sur les liens d’affaires qu’il entretient avec le chef d’un clan discret de la mafia et ses proches.

L’entreprise montréalaise de guichets de cryptomonnaies mettra aussi en place « un comité de vérification et surveillance dont le but sera de revoir et rapporter les résultats de ses recherches au sujet de Monsieur Santamaria et de faire des recommandations sur les mesures à prendre », indique-t-elle dans un communiqué.

« Tous les droits de vote attachés aux actions détenues par Monsieur Santamaria seront transférés en fiducie et détenus par procuration en attendant le résultat de la revue du comité indépendant », ajoute le groupe qui exploite 153 guichets au Canada.

La semaine dernière, La Presse révélait que Simone Santamaria entretenait différents liens d’affaires avec Serafino Oliverio, alias Sergio Lopez, qui a survécu à une tentative de meurtre chez lui l’automne dernier. La police le considère comme un membre de la vieille garde de la mafia montréalaise, impliqué dans l’importation, la distribution et la vente de cocaïne.

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Instacoin possède environ 20 % des 270 guichets de devises virtuelles que compte aujourd’hui le Québec. Une dizaine d’autres entreprises exploitent ces machines où les utilisateurs peuvent acheter des cryptomonnaies, surtout des fractions de bitcoin, avec de l’argent liquide.

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Les guichets de cryptomonnaies comme ceux d’Instacoin permettent d’acheter des devises virtuelles (comme le bitcoin) avec de l’argent liquide.

Plusieurs corps policiers et des autorités comme la Drug Enforcement Administration (DEA) aux États-Unis estiment que ces guichets constituent un véhicule idéal pour le blanchiment d’argent par des groupes criminels.

Instacoin se défend

Instacoin défend bec et ongles ses pratiques d’affaires et affirme n’avoir aucun lien avec la mafia ou le crime organisé. « Instacoin n’a jamais été impliqué dans le blanchiment d’argent et maintient une politique stricte afin de contrer le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes », indique Michael Lo Verso, président d’Instacoin, dans son communiqué publié il y a quelques jours.

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Les nouveaux bureaux d’Instacoin, à Laval. Le groupe logeait jusqu’à tout récemment dans un immeuble de Montréal appartenant à la famille de Serafino Oliverio, blessé dans une tentative de meurtre en novembre dernier.

Il soutient que l’« implication active » de Simone Santamaria au sein d’Instacoin s’est terminée il y a quatre ans, même si ce dernier apparaît toujours comme secrétaire et président exécutif au Registre des entreprises.

Selon les explications de M. Lo Verso, le rôle de M. Santamaria « s’est réduit » une fois que le réseau de guichets a été bien établi à travers le Canada. « La gestion a alors été effectuée par une équipe professionnelle, sous ma direction », fait-il valoir.

Il affirme par ailleurs n’avoir « aucune connaissance de l’implication de Monsieur Santamaria auprès d’autres compagnies ». Il entend néanmoins « vérifier les allégations faites à l’endroit de Monsieur Santamaria » et compte faire « les démarches nécessaires pour protéger l’intégrité des opérations d’Instacoin ».

« Collaboration avec les autorités »

Le président d’Instacoin rappelle que l’entreprise est enregistrée auprès du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Il dit avoir toujours travaillé « en étroite collaboration avec les autorités qui appliquent la loi auprès des marchés dans lesquels il opère ».

Le ministère fédéral des Finances, dont relève le CANAFE, semble prendre la chose au sérieux. Après la publication de l’enquête de La Presse, la semaine dernière, un fonctionnaire a rappelé qu’il est « interdit aux criminels et à leurs associés de gérer une entreprise de monnaie virtuelle réglementée en vertu de la loi ». En conséquence, « ils ne peuvent s’inscrire auprès du CANAFE ».

Au Québec, la Loi sur les entreprises de services monétaires prévoit que les dirigeants d’une entreprise exploitant des guichets « doivent avoir de bonnes mœurs », ce qui tient compte « des liens qu’entretiennent les personnes ou entités visées […] avec une organisation criminelle ». Revenu Québec, qui gère les entreprises de cryptomonnaies dans la province depuis l’automne dernier, n’a pas voulu commenter le cas d’Instacoin.

Un certain flou réglementaire entoure cette industrie émergente. Revenu Québec et le CANAFE ignorent, par exemple, le nombre de guichets de cryptomonnaies qui sont en activité. Le ministre des Finances, Eric Girard, a reconnu que Québec devra « faire mieux » pour encadrer ce secteur, après la publication de nos articles.

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