L’entente entre Hydro-Québec et Énergir pour convertir le chauffage des bâtiments du gaz naturel à l’électricité suscite une levée de boucliers, mais des voix s’élèvent pour la décrire comme la solution la moins mauvaise pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec.

« C’est la voie la plus rapide, et la moins chère, pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre », soutient Philippe Dunsky, consultant et expert indépendant en matière d’énergie.

L’entente prévoit qu’Hydro-Québec versera 400 millions à Énergir pour compenser la baisse des ventes de gaz naturel aux clients qui passeront du tout au gaz à la biénergie. Les tarifs d’électricité des Québécois devraient augmenter de 1,4 %, en plus de la hausse annuelle, pour absorber ce coût supplémentaire pour Hydro-Québec.

L’Union des consommateurs dénonce le coût élevé qui sera supporté par les clients d’Hydro-Québec pour réduire les émissions de GES d’Énergir, et les environnementalistes s’insurgent du fait que l’entente prolongera pendant des années la consommation d’énergie fossile au Québec.

Cette entente n’est pas parfaite, reconnaît Philippe Dunsky, qui a examiné les autres solutions possibles. « Pour décarboner, ça prend plus d’électricité et l’enjeu de l’électricité, c’est la gestion de la pointe, explique-t-il. Et ce n’est pas donné. »

Tout électrifier permettrait au Québec d’atteindre ses objectifs de réduction de GES, mais à un coût très élevé pour les clients d’Hydro-Québec, selon lui. L’entente entre Hydro-Québec et Énergir permet de faire la même chose, à un coût plus abordable, dit-il.

Selon Hydro-Québec, électrifier complètement le chauffage des bâtiments nécessiterait la construction de nouvelles installations de production de 2000 mégawatts, soit l’équivalent d’un autre complexe hydroélectrique comme La Romaine.

Avec l’entente entre les deux distributeurs, les clients d’Hydro-Québec et ceux d’Énergir paieront plus cher, « mais on évite les coûts faramineux dont on n’a pas besoin », dit Philippe Dunsky.

En plus des augmentations des tarifs d’électricité et de gaz naturel, le coût de la conversion des systèmes de chauffage sera subventionné par le gouvernement québécois.

C’est en quelque sorte l’ensemble de la société qui paie pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et pas seulement ceux qui en émettent le plus, convient Philippe Dunsky. « Une partie du coût est socialisée, mais c’est comme ça qu’on fait les grands changements », croit-il.

« La bonne énergie au bon endroit »

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) se dit aussi favorable à l’entente conclue entre Hydro-Québec et Énergir, parce qu’elle assure que le gaz naturel restera disponible au Québec. « Nous, on dit que ça prend la bonne énergie au bon endroit, et la biénergie, c’est une bonne idée », dit la vice-présidente et économiste en chef du CPQ, Norma Kozhaya. « Il y a une limite à ce que l’électricité peut accomplir [pour réduire les émissions de GES]. La biénergie permet de maintenir la compétitivité des infrastructures gazières et de garder cette énergie de transition. »

Éventuellement, le réseau d’Énergir pourra acheminer du gaz naturel renouvelable, indique l’économiste, qui souligne aussi qu’il est important pour les entreprises de ne pas dépendre d’une seule source d’énergie.

Le CPQ s’inquiète toutefois de l’impact qu’aura le coût de l’entente pour les clients industriels d’Hydro-Québec et d’Énergir. En principe, l’entente prévoit que tous les consommateurs de gaz naturel et d’électricité paieront plus cher pour réduire les émissions polluantes du Québec. La répartition de ces hausses de tarifs reste à voir.

Il faudra peut-être répartir le fardeau autrement pour ne pas nuire à la compétitivité des entreprises, dit Norma Kozhaya.

Le Conseil patronal de l’environnement du Québec est aussi favorable à l’entente, mais sa présidente-directrice générale, Hélène Lauzon, a préféré ne pas s’exprimer publiquement sur le sujet. Dans une lettre transmise à la Régie de l’énergie, Mme Lauzon fait valoir que l’entente entre les deux distributeurs d’énergie du Québec est « une solution prometteuse pour réduire les émissions de GES du secteur du bâtiment, et ce, sans mettre en péril l’approvisionnement en électricité pour les autres secteurs ».

En savoir plus
  • 10 %
    Le chauffage des bâtiments est responsable de 10 % des émissions totales de GES du Québec.
    Source : Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre