Le gestionnaire d’actif des régimes publics de retraite et d’assurance du Québec a réalisé l’année dernière son meilleur rendement des dix dernières années. Il a obtenu un rendement moyen pondéré de 13,5 % en 2021, mieux que son indice de référence à 10,7 %.

À titre comparatif, le rendement moyen des caisses de retraite canadiennes a atteint 8,9 % l’an dernier, selon l’univers des régimes de retraite de RBC Services aux investisseurs et de trésorerie.

Les rendements des huit déposants principaux se situent entre 9,3 % et 15,9 % sur un an. Sur dix ans, leurs rendements annualisés varient entre 8,2 % et 10,6 %. Les besoins de rendement des déposants sont en moyenne de 6 % à long terme. Par exemple, les fonds du Régime de rentes du Québec ont généré des rendements de 15,9 % pour le régime de base et de 14,4 % pour le régime supplémentaire l’année dernière. Sur 5 ans, le rendement moyen de la RRQ est de 9,8 %.

Le dévoilement des résultats financiers de la Caisse s’est fait le matin de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. À la suite des sanctions économiques imposées par le Canada au géant russe, le patron Charles Emond a annoncé que l’organisation allait retirer toutes ses billes du pays de Vladimir Poutine.

Des portefeuilles qui répondent aux attentes

Pour ce qui est des résultats financiers de la dernière année, les trois grandes catégories d’actifs ont contribué aux résultats, à savoir actifs réels, revenu fixe et actions. « Tous les portefeuilles ont vraiment livré la marchandise. Les trois grandes catégories sont au-dessus de leur indice », s’est réjoui le président et chef de la direction de la Caisse, dans sa présentation.

Dans les actifs réels, c’est la composante des infrastructures qui vole la vedette avec un rendement de 14,5 %, plus de 3 points au-dessus de l’indice de référence. La Caisse réalise sa meilleure performance annuelle en dix ans dans ce secteur, en dépit de la sous-performance des infrastructures liées au transport des passagers comme l’Eurostar et l’aéroport Heathrow. Les actifs qui ont bien fonctionné se concentrent dans les télécommunications et les énergies renouvelables.

L’autre catégorie d’actifs réels, l’immobilier, a tiré son épingle du jeu après deux exercices difficiles. Elle a poursuivi sa transformation en concluant 104 transactions d’une valeur de 19 milliards l’an dernier. Son rendement annuel de 12,4 % est le meilleur depuis 2015. « Ce chiffre démontre la validité de nos décisions », a soutenu la responsable de l’immobilier, Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge.

La filiale immobilière a dégonflé le poids de ses avoirs dans les centres commerciaux et les tours de bureaux pour mieux se concentrer sur l’industriel et la logistique et le secteur résidentiel. Elle a aussi investi dans des bâtiments destinés aux sciences de la vie et dans des studios de cinéma.

Dans le revenu fixe, la Caisse était aux prises avec le vent de face que constitue la remontée des taux d’intérêt et de l’inflation. Le rendement légèrement négatif de la catégorie reste néanmoins meilleur que celui de son indice, surtout grâce à la performance du portefeuille de crédit privé. La Caisse est un prêteur hypothécaire d’envergure et prête aussi aux entreprises. Juste l’an dernier, les engagements se sont élevés à 20 milliards dans le crédit privé.

Dans la catégorie actions, tous les portefeuilles, Qualité, Croissance et Marchés en croissance, font mieux que l’indice. Seule exception, le portefeuille Canada sous-performe. « L’exposition aux technologies a augmenté depuis 2020. L’an dernier, la Bourse a été forte. On a été récompensés pour cet ajustement-là », a reconnu Vincent Delisle, chef des marchés liquides.

Cela étant dit, la grande vedette dans la catégorie actions est le placement privé qui a offert une performance exceptionnelle de 39,2 % en 2021, sa meilleure depuis la création du portefeuille, il y a près de 20 ans. En deux ans, le rendement s’élève à 60 %.

À une question des médias sur l’effet de bulle dans les placements privés, M. Emond a répondu qu’une large portion des rendements de 2021 provient de dispositions, donc des profits avec de vrais dollars et non pas seulement des profits sur papier.

Le placement privé regroupe maintenant 80 milliards d’actif, soit 20 % de l’ensemble de l’actif de la Caisse. Le rattrapage face aux pairs est terminé et la proportion n’augmentera pas, a indiqué M. Emond. « C’est un portefeuille qui arrive à maturité en termes d’allocations d’actif », a-t-il dit. La Caisse a d’ailleurs plus vendu qu’acheté en 2021.

Les dépenses bondissent de 135 millions

Au 31 décembre, l’actif net du gestionnaire d’actif totalise 419,8 milliards, en hausse de 55 milliards en un an.

L’actif de la Caisse investi au Québec atteint 78 milliards, une hausse de 10 milliards concentrée dans le secteur privé. Des engagements ont été pris dans pas moins de 75 dossiers l’an dernier.

Les charges d’exploitation, y compris les frais de gestion externe, ont bondi de 135 millions en 2021, soit une inflation de 18 %. La Caisse se défend bien de perdre la maîtrise de son budget puisque le ratio des dépenses reste inchangé à 0,23 $ par tranche de 100 $ d’actif net.

Charles Emond sur…

Énergir

M. Emond a justifié la hausse de la participation de la Caisse dans le distributeur de gaz naturel Énergir, qui est appelée à gérer sa décroissance à l’avenir. « C’est une très belle société québécoise. Elle a fourni un rendement extrêmement intéressant aux déposants et a un rendement courant très élevé. On aime la direction. Le gaz naturel est une énergie de transition qui est là pour de bon. Énergir fait partie de la solution pour décarboner le Québec. »

Le français en entreprise

Charles Emond a pris position sur l’utilisation du français au sein des sociétés québécoises. « Le respect du français est un principe incontournable. Pour toutes les sociétés québécoises, on leur en parle dans le privé, de mettre le français au centre de l’équation. C’est juste le gros bon sens. Une société basée au Québec, tenir une assemblée générale uniquement en anglais, c’est inacceptable. »

REM de l’Est

Questionné sur l’opposition grandissante au REM de l’Est, M. Emond a voulu recentrer le débat sur le rôle de la Caisse. « Ce n’est pas à la Caisse de dépôt de déterminer ultimement si le REM de l’Est est la solution qui convient le mieux. C’est aux autorités compétentes. La Caisse est le promoteur du projet. On répond à une question en soumettant la meilleure réponse en tenant compte d’une foule de facteurs. La planification des transports n’est pas le rôle de la Caisse. »

Les investissements en Russie

« On a vendu toutes nos positions [participations directes en actions] dans les entreprises sous sanctions », a dit le patron de la Caisse. Il a toutefois ajouté qu’il est impossible de ne pas être exposé à la Russie dans les indices mondiaux. « On est déjà très actifs pour corriger la situation afin de répliquer nos indices à l’interne et extraire la Russie. Il y a des équipes mobilisées pour régler ça en quelques semaines. »

Propos recueillis par André Dubuc et Richard Dufour, La Presse