Encore une fois, ils sont nombreux sur la ligne de départ : Bell, Toyota, Visa, SAAQ, Promutuel Assurance, RBC, Petro-Canada, Tanguay, Ozempic… Depuis 10 jours, ces annonceurs, tant les partenaires d’Équipe Canada (COC) qu’à la diffusion, sont en mode Jeux olympiques.

Leurs publicités qui font l’éloge de la persévérance, du dépassement de soi et de l’esprit sportif sont vues par des centaines de milliers de personnes chaque jour à Radio-Canada, CBC, RDS et TSN. Et de façon répétée.

En début de semaine dernière, deux fois, La Presse a recensé les pauses publicitaires, partenariats commandités et contenus olympiques encapsulés présentés durant la première heure du programme olympique de Radio-Canada, de 19 h 30 à 20 h 30. Le constat : le temps consacré aux disciplines olympiques, résultats de la journée et aux présentations des animateurs est arrimé à un nombre considérable de blocs publicitaires et de contenus commandités.

Le téléspectateur peut découvrir des athlètes canadiens ou des performances mémorables à travers notamment des capsules Plus vite, plus haut, plus fort de Bell, Mon destin de Toyota ou encore La quête de Promutuel. « On a identifié que c’était le moment idéal [les débuts de soirée] pour mettre la table aux JO », justifie Jean-Charles Rocha, conseiller principal, initiatives stratégiques et Jeux olympiques, pour CBC et Radio-Canada Solutions Média. « Il y a des pubs, mais on raconte des histoires, afin de préparer la soirée. On n’interrompt pas les compétitions. Les capsules sont des plus-values pour les téléspectateurs. C’est un bon dosage. »

Lundi, La Presse a dénombré environ 18 minutes de publicités et d’autopromotions entre 19 h 30 et 20 h 30. Radio-Canada insiste pour dire qu’elle respecte le temps de publicité consentie à l’heure, soit 11 minutes et une minute, de promotion des émissions de sa grille. Par ailleurs, le tarif à la carte pour la diffusion d’une publicité de 30 secondes à Radio-Canada et RDS varie de 3000 $ à 6000 $. « Ça coûte cher, les JO », rappelle Jean-Jacques Stréliski, professeur associé de gestion en communication-marketing et marque à HEC Montréal. « Il faut donc faire feu de tout bois. »

Des millions à rentabiliser

Radio-Canada ne révèle pas le montant d’acquisition des droits de diffusion des Jeux de Pékin. La Presse écrivait toutefois en 2014 que le diffuseur avait déboursé 85 millions US pour les droits de diffusion de ceux de 2014 à Sotchi et de 2016 à Rio.

« Le nerf de la guerre, c’est l’argent », indique Jacques Labelle, associé, développement, de Coyote Audio et anciennement président et chef de la direction de l’agence de publicité Saint-Jacques Vallée Y&R. « Le diffuseur a besoin de ces commanditaires pour rentrer dans son argent. Et un commanditaire, mondial comme Visa ou national comme Petro-Canada, doit trouver une manière d’en avoir plus pour son argent. Le besoin de rentabiliser se fait aussi au bénéfice des téléspectateurs, car le diffuseur a envoyé beaucoup de monde à Pékin pour offrir une bonne couverture. »

Le dimanche 6 février, la moyenne de téléspectateurs était de 389 000 à Radio-Canada, de 19 h 30 à minuit, et de 68 000 à RDS, de 21 h à minuit. En semaine, il peut y avoir plus de 600 000 personnes attentives à certaines épreuves comme le patinage artistique, la demi-lune ou le grand saut féminin (selon Numéris).

Est-ce qu’il y a toutefois un risque pour un commanditaire ou un annonceur de noyer son message à cause du bouquet touffu d’annonceurs présents ? « Un surpoids de pubs peut finir par irriter les téléspectateurs. C’est évident, répond Jean-Jacques Stréliski. Le contenu de marque est une façon parallèle d’en remettre une couche. Le téléspectateur s’en prend beaucoup. »

« Le truc, c’est la diversité… quand on peut se le permettre, note Jacques Labelle. Car c’est la même cible qui va te regarder pendant 17 jours. Il y a désintérêt quand la fréquence est trop élevée. Ça amène un effet négatif, une aversion de la pub, comme pour Trivago, il y a quelques années, ou BET99 pendant les éliminatoires de hockey l’an dernier. »

Bell en montre beaucoup

Du côté des campagnes réussies, Jacques Labelle nomme les pubs de Petro-Canada (conçues par McCann Toronto et Tam-Tam\TBWA) qui rendent hommage aux entraîneurs pour la qualité de la production et le message véhiculé. Il a un penchant également pour Bell, pour la diversité des messages et leur humour.

Lors des Jeux de Pékin, Bell diffuse justement cinq publicités différentes. Le partenaire d’Équipe Canada depuis plus de 25 ans et commanditaire à la diffusion a aussi produit du contenu sur les réseaux sociaux. « Afin de montrer toute l’offre et de ne pas tanner les téléspectateurs », dit Élaine Bissonnette, directrice, gestion de la marque, de Bell Canada. « La fréquence est élevée dans une journée. Certains sont branchés en permanence devant les Jeux. C’est donc important d’avoir un bon mélange pour éviter la fatigue. Avec des moyens encore plus importants, on en aurait fait plus ! »

La crainte de passer inaperçu est donc plutôt faible pour Bell. « Ça dépend de la création, constate Élaine Bissonnette. Il y a toujours un risque, mais on essaie de se surpasser. Est-ce qu’on pense qu’on est trop d’annonceurs ? Comme avec le Super Bowl, le diffuseur doit rentabiliser la diffusion. Mais une bonne création permet de se démarquer. »

Une « bonne » partie du budget de publicité et marketing de Bell en année olympique est destinée aux Jeux olympiques. « C’est un temps où on s’assure d’avoir des spectateurs attentifs, dit Mme Bissonnette. Un bon auditoire nous est livré. Ça vaut la peine pour Bell. »