(Québec ) Face à des associations étudiantes qui promettent de se battre sur tous les fronts afin de protéger leur assurance maladie, l’Autorité des marchés financiers (AMF) sursoit à l’application de mesures qui auraient eu pour effet de priver, dès la prochaine rentrée scolaire, des centaines de milliers d’étudiants d’une couverture d’assurance offerte depuis un quart de siècle.

La Presse révélait mercredi sous la plume de sa chroniqueuse Marie-Eve Fournier que Desjardins – qui couvre environ 95 % du marché de l’assurance collective étudiante au Québec – n’allait pas renouveler les contrats qu’elle détient avec 57 associations étudiantes en raison de l’application de mesures exigées par l’AMF.

Lisez la chronique de Marie-Eve Fournier « Les étudiants partent en guerre contre l’AMF »

L’Autorité demandait entre autres que l’adhésion à un régime collectif d’assurance ne soit plus automatiquement perçue par l’entremise de la facture scolaire. L’organisme de réglementation et d’encadrement du secteur financier au Québec affirme que cette façon de faire n’est pas équitable et ne respecte pas la Loi sur les assureurs.

Or, dans un rare revirement de situation, mercredi, l’AMF a annoncé par voie de communiqué « un réexamen de l’ensemble du dossier ». Elle affirme mettre en place « un processus de consultation et de réexamen du cadre légal balisant les obligations des assureurs à l’égard des produits d’assurance offerts par les associations étudiantes » et demande à « toutes les parties intéressées [de] participer à cette consultation ».

Mais surtout, l’AMF demande que « les assureurs [sursoient] à toute décision le temps que cet exercice soit complété ». Dans un échange écrit avec La Presse, l’Autorité affirme ne pas avoir subi de pressions politiques afin de surseoir aux nouvelles mesures et assure le faire « à la lumière des inquiétudes soulevées ».

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Les étudiants paient chaque session une certaine somme pour avoir accès à un régime d’assurance qui couvre la santé, les soins dentaires et de la vue, ainsi que des voyages, dans certains cas.

Desjardins prêt à réévaluer sa position

Du côté du principal assureur des étudiants du Québec, Desjardins, on s’est dit prêt à collaborer avec l’AMF et même à réévaluer la décision de ne pas renouveler les contrats en septembre.

« Nous allons nous asseoir avec notre régulateur pour bien comprendre sa volonté. Nous allons bien évidemment travailler étroitement avec l’AMF et [l’assureur] et nous reverrons notre position selon l’évolution du dossier », a déclaré à La Presse son porte-parole Jean-Benoît Turcotti.

Dans une déclaration écrite, le président-directeur général de l’Autorité, Louis Morisset, a de son côté affirmé qu’il y avait dans ce litige « deux objectifs valables qui s’entrechoquent ».

[Il s’agit de] la protection des étudiants qui ne doivent pas être enrôlés à leur insu ou contre leur gré dans des produits d’assurance dont ils ignorent l’existence ou dont ils n’ont pas besoin, et l’accessibilité à des produits d’assurance qui répondent par ailleurs à des besoins réels des étudiants qui souhaitent pouvoir continuer d’en bénéficier.

Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité des marchés financier

L’AMF affirme vouloir « identifier des pistes de solution permettant de réconcilier le mieux possible ces deux objectifs ». Un rapport sera ensuite présenté au ministre des Finances, Eric Girard.

Les étudiants sur le pied de guerre

Dix ans après les manifestations du printemps érable, les associations étudiantes sont pour leur part sur le pied de guerre. Elles se rencontrent ce jeudi afin de discuter des prochaines étapes d’un plan de mobilisation qu’elles souhaitent mettre en place afin que « le conflit soit résolu de façon définitive ».

La présidente de la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL), Cyndelle Gagnon, déplore que les associations soient « picossées » depuis plus de cinq ans par l’AMF concernant leurs assurances collectives.

On veut que le conflit soit résolu de façon définitive. On va s’arranger pour que le problème se règle et qu’on n’en entende plus parler.

Cyndelle Gagnon, présidente de la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval

Dans une lettre envoyée plus tôt cette semaine à la direction de l’AMF et qui a été transmise à des ministres du gouvernement Legault, les associations étudiantes écrivent que « leur patience a des limites ». Elles somment l’Autorité de « cesser de [s’]ingérer dans les affaires internes des associations étudiantes ».

« L’AMF doit reculer sur ces directives ou le gouvernement doit légiférer pour mettre un terme à cette ingérence », estiment-elles.

Selon les associations, « le taux d’utilisation du régime peut aller jusqu’à 125 % sur les campus universitaires, [et] c’est donc plus de 200 000 étudiantes et étudiants à travers le Québec qui ont bénéficié de la couverture d’assurance en 2020-2021 ».

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse