Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Bien que je suive activement l’activité économique canadienne, je dois avouer que je ne saisis pas bien le mode de fonctionnement de l’application de la taxe sur le bois d’œuvre franchissant les frontières vers les États-Unis. J’aimerais lire un article qui explique clairement tout le cheminement, l’application des taxes spéciales résultant des exigences américaines, montrant clairement les écarts des prix. Pourquoi ce n’est pas uniquement les clients (acheteurs des produits) américains qui assument les coûts additionnels des produits qui franchissent les frontières ?

Robert Raby

Afin de répondre adéquatement à cette question, La Presse a fait appel à Richard Ouellet, spécialiste en commerce international et professeur à l’Université Laval, ainsi qu’à Michel Vincent, économiste au Conseil de l’industrie forestière du Québec.

La guerre du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis dure depuis plus de 30 ans et elle a connu plusieurs batailles qui se déroulent à peu près toujours de la même façon.

Les taxes imposées sur le bois d’œuvre canadien sont la réponse du gouvernement américain aux plaintes des producteurs de bois des États-Unis, rappelle Richard Ouellet. Elles sont de deux types : les droits antidumping, s’il est prouvé que les producteurs canadiens vendent aux États-Unis à un prix plus bas qu’au Canada, et les mesures compensatoires, qui corrigent les subventions alléguées accordées au secteur forestier canadien.

Quand, à la suite d’une enquête, le département du Commerce américain estime qu’il y a du dumping et des subventions de la part du Canada, il impose des droits antidumping et des mesures compensatoires sur le bois canadien qui traverse la frontière.

Ces droits sont payés par les entreprises importatrices – généralement une filiale américaine du producteur canadien – et perçus par les autorités douanières américaines. Si le gouvernement canadien les conteste, comme c’est généralement le cas, l’argent est placé en fiducie en attendant la résolution du différend. Sans contestation de la part du Canada, l’argent irait directement au Trésor public américain.

Si une entente survient, elle prévoit normalement un partage des sommes placées en fiducie entre les deux pays.

Demande changeante, offre stable

Ces droits font augmenter le prix du bois d’œuvre sur le marché américain et les constructeurs de maisons des États-Unis s’y opposent fermement, précise Michel Vincent. Le producteur de bois d’œuvre canadien, qu’il vende sur le marché du Canada ou aux États-Unis, réalise les mêmes revenus, dit-il, même en tenant compte du taux de change et des coûts de transport.

« C’est un marché intégré, où les prix ont tendance à s’égaliser, un peu comme pour le pétrole », illustre-t-il.

Le Québec, dans ce grand marché, ne pèse pas lourd. Quant au prix des 2 X 4 achetés à la quincaillerie, il peut varier au gré de la stratégie commerciale du détaillant, mais il n’y a pas d’écart important entre les prix de vente des deux côtés de la frontière.

La flambée du prix du bois d’œuvre survenue l’été dernier, qui pourrait d’ailleurs se répéter cet été, n’a rien à voir avec les taxes et les droits imposés par les Américains. Elle s’explique plutôt par la pandémie, qui a poussé les Américains comme les Canadiens à rénover comme jamais et à se bâtir des maisons plus grandes et plus grosses.

L’offre de bois est stable, rappelle Michel Vincent. Le bois est alloué aux entreprises selon la possibilité forestière et les arbres poussent toujours au même rythme. « Les scieries ont seulement deux vitesses : ouvert ou fermé », illustre-t-il.

Alors quand la demande augmente autant que ce qu’on a vu l’an dernier, les prix explosent.

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