(New York) Martine Hébert, nouvelle déléguée générale du Québec à New York, n’a pas la tâche facile. Elle doit faire augmenter les exportations du Québec au moment où le voisin américain ne jure que par le protectionnisme. La Presse a voulu savoir comment elle compte s’y prendre. La rencontre s’est tenue à son bureau de Manhattan au début de décembre.

« Le premier ministre du Québec a été très clair avec les délégations à l’étranger : il faut augmenter les exportations, ce qui revient à soutenir les entreprises québécoises, particulièrement nos acteurs à fort potentiel dans les secteurs stratégiques pour le Québec, affirme la diplomate d’entrée de jeu. Quand je parle de secteurs stratégiques en ce qui a trait aux États-Unis, la décarbonation est une priorité. »

Selon elle, le Québec a une longueur d’avance sur la société américaine dans les domaines des énergies renouvelables et de l’électrification des transports. L’occasion est belle pour en profiter.

« On a eu une rencontre avec Louisville, au Kentucky, en novembre, donne-t-elle en guise d’exemple. C’est la délégation qui a créé l’évènement de A à Z. On a ramassé une brochette d’entreprises québécoises dans le secteur du transport durable. Le maire était là avec moi, on a parlé aux gens qui gèrent évidemment les parcs de véhicules. Ça a permis aux entreprises de pouvoir présenter leurs solutions et de parler des réalisations québécoises avec d’autres villes. »

PHOTO ANDRÉ DUBUC, LA PRESSE

Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York

Mais comment réussira-t-elle à augmenter les exportations si Washington applique le plan Buy America partout ? lui a-t-on demandé. Martine Hébert fait valoir que les entreprises s’ajustent en ouvrant des usines d’assemblage aux États-Unis. Le plus récent exemple est celui du fabricant de systèmes de balisage lumineux de tours Technostrobe de Coteau-du-Lac, qui ouvrira une usine à Albany, capitale de l’État de New York.

« La délégation du Québec nous a donné de précieux conseils », dit Francis Lacombe, président de Technostrobe. La Presse l’a joint à la fin de décembre. « Elle nous a présentés aux autorités de l’État de New York, avec lesquelles nous sommes encore en lien dans le but de faciliter l’intégration de notre entreprise dans le milieu économique d’Albany par l’accès des foires d’emplois et en termes de visibilité de notre entreprise. »

Mais peut-on encore parler d’exportations si l’assemblage se fait aux États-Unis ? « Le contrat n’est pas passé nécessairement avec l’usine américaine, répond Mme Hébert. Le contrat peut être passé avec la maison mère. Il n’en demeure pas moins que les profits vont retourner au Québec. Même quand l’assemblage se fait aux États-Unis, la recherche et développement, l’ingénierie, l’intelligence artificielle demeurent quand même au Québec. Et ce sont les emplois payants. »

Diplomatie économique

Pour faire mousser les exportations, la déléguée générale mise sur la diplomatie économique et d’influence, qui consiste à rencontrer les donneurs d’ordres privés et publics en amont dans le processus d’appel d’offres pour faire connaître l’expertise québécoise.

On peut entrer facilement auprès de ces acteurs. On est accueillis favorablement parce qu’on n’est pas perçus uniquement comme des vendeurs de produits, mais comme étant une instance gouvernementale diplomatique.

Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York

Elle nomme le contrat d’achat d’un maximum de 600 autobus par la société de transport urbain de Chicago accordé à Nova Bus comme son meilleur coup depuis son arrivée dans la diplomatie québécoise.

« Il faut faire attention, souligne-t-elle toutefois. On ne peut pas dire que c’est grâce à nous [que Nova Bus a obtenu le contrat], mais nous avons été proactifs. J’avais rencontré par exemple le président de la CTA [Chicago Transit Authority]. J’ai rencontré les gens qui gèrent les parcs de véhicules. J’avais eu de nombreuses rencontres avec un paquet de monde à la CTA. » Martine Hébert était à la délégation de Chicago depuis la mi-2019 avant sa nomination à New York.

Depuis son arrivée à son bureau au 26e étage du Rockefeller Center, elle n’a pas chômé. « Au cours de mes 100 premiers jours, on a fait 150 rencontres de haut niveau de diplomatie économique et d’influence, énumère-t-elle. On a fait quatre missions commerciales, deux missions ministérielles, des rencontres avec trois importantes villes américaines ainsi que des échanges avec le bureau du maire de New York, un appel du premier ministre avec la gouverneure Hochul pour discuter de différents dossiers. J’ai fait des missions aussi. Je suis allée en mission à Washington pour rencontrer plusieurs élus. Je suis allée aussi à Plattsburgh rencontrer la North County Chamber of Commerce. J’ai eu des rencontres avec plusieurs membres de départements de l’État de New York. J’ai rencontré la PDG de NYSERDA [NY State Energy, Research and Development Authority]. »

À la mi-décembre, Mme Hébert s’envolait pour la Virginie dans le but de faire connaître l’expertise québécoise en matière d’intelligence artificielle appliquée à la logistique à l’autorité portuaire locale.

À plus long terme, elle a dans sa ligne de mire les Universiades d’hiver qui auront lieu en janvier 2023 à Lake Placid. « C’est une belle occasion pour nous de faire valoir les entreprises. On essaie que ce soit nos autobus québécois électriques qui transportent les athlètes », indique-t-elle.

Quand elle n’est pas occupée à rencontrer des décideurs et des élus, Mme Hébert discute avec les exportateurs québécois pour connaître leurs priorités. À leur demande, un plan d’accompagnement personnalisé est établi avec l’aide des attachés commerciaux de la délégation pour les guider dans le marché américain.

« Le gros de mon temps est consacré à l’exportation, puis au développement d’affaires pour nos entreprises. C’est l’essence même du virage économique que les délégations ont pris. Comme délégués, on est beaucoup plus impliqués dans ces dossiers à caractère économique et on a orienté nos actions sur la diplomatie économique qui sert à bien positionner l’expertise québécoise, à la faire connaître, à en parler, à répandre la bonne nouvelle », dit-elle.

Qui est Martine Hébert ?

Économiste de formation, Martine Hébert a été nommée déléguée générale du Québec à New York le 16 août dernier. Auparavant, elle a occupé les fonctions de déléguée du Québec à Chicago à compter de juin 2019. Avant de devenir diplomate, Mme Hébert a été vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante pendant 10 ans.