Mener une entreprise, c’est avant tout une affaire de stratégie. Pour amorcer l’année, des dirigeants révèlent quelques éléments de leur vision et de leur plan.

L’entreprise a traversé deux guerres mondiales, la grande dépression des années 1930, la grippe espagnole, plusieurs récessions et quelques révolutions technologiques. Et elle peut encore tirer son épingle du jeu encore longtemps, selon son président.

Dans les derniers jours de 2021, Rémi Lalonde, à la tête de Produits forestiers Résolu depuis mars dernier, préparait le déménagement de l’entreprise qui a eu 200 ans l’an dernier. « On essaie de s’ajuster aux réalités post-pandémie », a-t-il expliqué lors d’un entretien avec La Presse.

Après avoir jonglé avec la possibilité d’un siège social entièrement virtuel, Résolu a finalement opté pour un modèle hybride. L’entreprise reste au centre-ville de Montréal, mais son empreinte immobilière passe de 80 000 à 40 000 pieds carrés. Les 400 employés du siège social pourront travailler à distance ou au bureau.

Pour Résolu, le déménagement se traduit aussi par une réduction de coûts qui n’est pas à négliger. Dans le secteur des produits de base, dont les prix sont dictés par le marché, les réductions de coûts sont une question de survie.

Avec le temps, Résolu a prouvé sa résilience et sa capacité à s’ajuster aux conditions du marché, estime Rémi Lalonde.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Rémi Lalonde, PDG de Produits forestiers Résolu

L’entreprise, qui a déjà été la cible des environnementalistes, a amélioré à la fois ses façons de faire et son image publique. « Notre approvisionnement est à 100 % de forêts certifiées », souligne le PDG. Ses émissions polluantes ont diminué de 85 % depuis 2000, et l’objectif est d’en retrancher encore 30 % d’ici 2025.

Une des priorités du dirigeant est de mieux faire comprendre l’importance de l’industrie forestière pour le Québec, mais aussi pour la planète. « Le bois est le seul matériau de construction 100 % renouvelable, insiste-t-il. Ce n’est pas le cas du béton et de l’acier. Et l’aménagement forestier tel que pratiqué au Canada n’a rien à envier à personne. »

Un déclin et une remontée

La pandémie a eu un impact considérable sur les activités de Résolu, qui fabrique du papier, de la pâte et du bois d’œuvre. La crise a accéléré le déclin du papier, qui était traditionnellement la force de l’entreprise. Elle a aussi fait grimper le prix du bois d’œuvre à des niveaux jamais vus.

« Je n’aurais jamais pensé que le prix du bois d’œuvre pouvait atteindre un pic de 1600 $ », dit Rémi Lalonde au sujet de cette poussée soudaine qui a permis à Résolu de faire des profits et d’envisager l’avenir avec optimisme.

Les prix ne sont pas restés longtemps à un niveau aussi élevé, mais les perspectives sont toujours favorables pour ce secteur, selon lui. « Ce qu’on voit, c’est que la demande demeure forte pour la rénovation et la construction, explique-t-il. Il y a la génération des milléniaux qui voudra une maison. Il y a matière à être optimiste. »

Plus important producteur de bois d’œuvre de l’est du continent nord-américain, Produits forestiers Résolu est l’entreprise la plus touchée par les droits compensatoires imposés par les États-Unis sur les « 2 X 4 » canadiens.

Aucune solution n’est en vue dans ce conflit qui dure depuis 30 ans, et l’entreprise a réagi en achetant des scieries aux États-Unis, ce qui lui permet de croître à l’abri des droits compensatoires.

Du côté du papier, des décisions difficiles ont été prises, et d’autres restent à venir. Résolu a fermé ses usines de papier journal de Baie-Comeau et d’Amos. Et bien que des comités de relance soient toujours à l’œuvre pour trouver une nouvelle vocation à ces installations, son PDG ne voit pas de solutions.

« Ça fait 10 ans qu’on voit ce marché baisser, dit-il. Ça prend des investissements importants pour convertir une usine. Les options [papier-tissu, emballage], on les a regardées. Mais pour ces deux usines situées loin des marchés, la formule gagnante, on ne l’a pas encore vue. »

Il y a 10 ans, 75 % de la rentabilité de Résolu provenait des ventes de papier. En 2021, c’était 3 % seulement.

Rémi Lalonde croit qu’il est encore possible de faire des profits dans le secteur du papier un certain temps. « C’est ma job de trouver comment », dit-il.

Produits forestiers Résolu est la somme de plus de 20 entreprises du secteur forestier qui ont fait des acquisitions, fusionné ou fermé depuis deux siècles. Les installations qui restent sont en bon état, selon le dirigeant. « On a fait des choix. Ce qui reste, c’est de très bons actifs », dit-il.

Rémi Lalonde s’est joint à Résolu en 2009, année où AbitibiBowater s’est placée sous la protection de ses créanciers avant de se restructurer pour devenir Produits forestiers Résolu. Pendant les années qui ont suivi, « on a dû être défensif », rappelle-t-il.

Avec la baisse des taux d’intérêt et la vigueur du secteur du bois d’œuvre, l’entreprise aborde une nouvelle phase de croissance, selon lui. « L’année qu’on vient de vivre a rempli les coffres », dit-il. Il est maintenant question d’acquisitions ciblées et d’investissement dans la modernisation des installations.

« On a de belles opportunités pour moderniser nos opérations dans le numérique », précise Rémi Lalonde. Il donne deux exemples : une partie des opérations de l’usine de pâte de Saint-Félicien sera automatisée, et le transport du bois des champs de coupe vers les usines évoluera vers un peloton, soit un camion et un chauffeur qui pourront diriger un convoi de quatre autres véhicules sans chauffeurs.

Conséquence de sa longévité exceptionnelle, Résolu a maintenant plus de retraités (20 000) que d’employés actifs (7000), et un lourd passif de régime de retraite à soutenir. Ce fardeau s’ajoute aux droits compensatoires versés aux Américains, qui totalisent 125 millions US cette année. Autant de défis pour une entreprise dont les besoins en capital sont énormes.

Des défis, il y en a, admet Rémi Lalonde. « Mais sinon, ce ne serait pas le fun », estime-t-il.

Produits forestiers Résolu en bref

  • Activités : pâte commerciale, papiers, bois d’œuvre
  • 40 usines au Canada et aux États-Unis
  • 7000 employés
  • Revenus (9 mois 2021) : 2,83 milliards US
  • Profits (9 mois 2021) : 435 millions US

Forces

  • Marché à long terme favorable au secteur du bois d’œuvre
  • Un accès à la matière première provenant de forêts certifiées
  • Une diversification aux États-Unis

Faiblesses

  • Avec 20 000 retraités et 7000 employés actifs, le passif du régime de retraite est lourd à soutenir.
  • Doit composer avec le déclin du papier, un de ses trois secteurs d’activités.
  • Aucune solution en vue dans le litige du bois d’œuvre avec les États-Unis, qui touche particulièrement Résolu.