Alors que tous entrevoyaient une année catastrophique pour les entreprises canadiennes en raison de la crise générée par la pandémie, la BDC a connu en 2020 une année record, en réalisant plus de 15 000 transactions financières, dont un bon nombre en situation d’urgence. « On a reçu durant les trois premières semaines de la crise autant de nouvelles demandes de prêt que durant une année complète », relate Michael Denham, qui revient sur les évènements marquants de sa dernière année comme PDG de la banque des entrepreneurs.

Votre mandat de cinq ans se terminait en août 2020, mais vous avez accepté de le prolonger d’une année pour faire face à la crise. Est-ce que ce fut une décision difficile à prendre ?

Dès les premiers jours de la crise, en mars 2020, on a bien vu qu’on allait vivre des moments extrêmement difficiles. Il n’a jamais été question de partir, ce n’était vraiment pas le temps. J’ai proposé à mon conseil d’administration de prolonger mon mandat pour assurer la gestion de crise.

Ma pire appréhension était qu’on revive la crise de 2007-2008 et que tout le système financier s’écroule. Mais les gouvernements ont bien répondu en injectant massivement de l’argent pour soutenir l’activité économique. Dès le début de la crise, le gouvernement fédéral a recapitalisé la BDC en nous octroyant 8,3 milliards de fonds additionnels.

La priorité au début de la crise était de stabiliser les liquidités des entreprises forcées d’arrêter leurs activités. Quel était le plus gros défi à ce moment-là ?

Répondre à la demande de façon efficace. On a mobilisé 400 de nos professionnels en ressources humaines ou en consultation pour les réaffecter à notre service aux entreprises afin de gérer le flot de demandes. Pour les besoins inférieurs à 100 000 $, on a mis en place le système de soutien direct alors que les entrepreneurs pouvaient faire leur demande en ligne sans parler à personne.

Mais la mesure la plus immédiate a été d’accorder un moratoire sur les remboursements de prêts de six mois à toutes nos entreprises clientes qui en faisaient la demande. Pour l’ensemble de l’année, on a traité près de 40 000 reports de paiement totalisant 771 millions.

Le gouvernement fédéral vous a donné un coup de pouce en instaurant le programme de subventions salariales. Cela vous a soulagé un peu ?

Absolument. L’aide du gouvernement fédéral a réduit la pression sur les entreprises qui pouvaient continuer à opérer, même à perte. On a aussi géré pour le gouvernement les programmes de garanties de prêt, où la BDC garantissait 80 % du montant des emprunts réalisés auprès des banques.

Puis, à partir de janvier 2021, on a géré le Programme de crédit pour les secteurs les plus touchés, où la BDC a garanti 100 % des prêts pour les entreprises du secteur de l’hôtellerie, de la restauration, du divertissement et de l’événementiel. On parle ici de prêts de cinq ans, à un taux de 4 % qui permet aux entreprises de maintenir le niveau de liquidités nécessaires jusqu’à ce qu’elles relancent leurs activités.

La priorité durant la dernière année était que toutes les entreprises puissent avoir accès à des fonds. Il fallait aussi appuyer les entreprises qui ont été le plus touchées par la crise, notamment celles qui sont dirigées par les femmes et les membres issus de la diversité culturelle.

La BDC offre des services-conseils aux entreprises qui font des affaires avec elle. Ces services ont-ils été beaucoup sollicités durant la crise ?

Oui. La BDC est la seule banque qui offre un tel soutien. On pense que c’est important d’accompagner les entreprises dans leur croissance et on partage les coûts de consultation en matière de planification stratégique, de ressources humaines ou de numérisation.

Statistique Canada fait des recensements réguliers et constate que les entreprises qui utilisent ces services-conseils de la BDC enregistrent une performance et une croissance supérieures de 7 à 9 % par rapport à celles qui n’y ont pas recours.

Quand avez-vous senti que la situation s’améliorait, que l’état de crise s’estompait ?

Lorsqu’on est arrivés au terme des six premiers mois de moratoire, en novembre dernier, et que les entreprises ont repris leur paiement de façon naturelle. Je pensais, au début de la crise, qu’on aurait un taux de faillite de 10 ou 15 %, mais il n’a été que de 2 %.

En fait, on a enregistré, en 2020, 60 % du taux de faillite que l’on observe habituellement. Le soutien du gouvernement a été tel que les entreprises ont pu reprendre leurs activités normalement. On avait pris des provisions pour pertes de 772 millions pour 2020, contre 179 millions en 2019. On va voir en juillet les résultats finaux, mais je pense qu’on va vivre le même phénomène que les banques qui avaient pris des réserves beaucoup plus importantes que nécessaire.

Malgré l’état de panique de l’an dernier, vous avez continué vos investissements en capital de risque. C’était important pour vous ?

Il fallait maintenir en santé cet écosystème qui se développe bien au Canada. On est parmi les plus gros investisseurs en capital de risque au pays, avec des participations de 3 milliards dans des entreprises en développement.

Il y a six ans, quand j’ai débuté à la BDC, il existait 28 fonds de capital de risque. Aujourd’hui, on en dénombre 51. Il y avait quatre fonds avec des actifs de plus de 100 millions, contre 19 maintenant. On avait quatre licornes au Canada. On est rendus à 14, et le chiffre change toutes les semaines…

Vous allez partir en juin et Isabelle Hudon va vous succéder en août. Est-ce que vous avez des projets précis ?

Oui, mais je ne peux en parler maintenant. Je vais rester actif dans le domaine financier et du développement, et je vais rester à Montréal, même si je suis natif de Toronto. J’habite ici depuis 20 ans et j’adore la ville.