(Montréal) « Je n’aurais jamais cru vendre mes produits au marché Jean-Talon, c’est un peu un rêve. »

Rebecca Turcot, 36 ans, est propriétaire de MicroGreenRoots, une entreprise qui produit des micropousses comestibles à Pointe-Saint-Charles. Des milliers de minuscules plantes s’alignent dans des bacs disposés sur son étal, où elle vient d’écrire le nom de son entreprise à la craie.

Ce qui permet à Rebecca Turcot d’être au marché en ce mercredi de juin, ce sont les « Kiosques de la relève », un projet-pilote lancé le 15 mai dernier par la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal. Les trois étals qui ont été installés dans le cadre de ce programme ont été pensés pour être utilisés par des marchands différents chaque jour. « Quand j’arrive le matin, j’ai juste à écrire mes prix, à placer mes produits et voilà ! », dit-elle, souriante.

Chaque place coûte 70 $ par jour en semaine et 90 $ la fin de semaine : c’est environ deux fois plus cher que ce que les autres commerçants paient pour leur place. « On demande un peu plus que pour nos emplacements ordinaires, mais c’est parce qu’on offre beaucoup plus de services et qu’il n’y a pas d’engagement », indique Nicolas Fabien-Ouellet, directeur général de la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal.

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Nicolas Fabien-Ouellet, directeur général de la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal

Il espère que le projet permettra au marché Jean-Talon d’attirer plus de jeunes producteurs. « Ça faisait quelques années que la relève nous communiquait qu’elle faisait face à certains défis prohibitifs, dit-il. On a voulu simplifier, rendre ça plus facile pour eux de venir. »

Le projet-pilote cible en particulier les jeunes qui démarrent ou qui reprennent en main des entreprises agroalimentaires. Dans la brochure destinée à promouvoir les Kiosques de la relève, il est indiqué que les entreprises détenues à plus de 40 % par des jeunes de moins de 40 ans auront la priorité pour obtenir des places cet été. D’ailleurs, pour toucher le plus grand nombre de personnes possible, il ne sera pas possible d’occuper l’étal plus de 30 jours pendant l’été.

Sans ces kiosques, Rebecca Turcot n’aurait pas pu espérer vendre ses micropousses dans le marché public le plus fréquenté du Québec.

Comme jeune entrepreneure, je n’ai pas le temps et encore moins la liquidité pour construire mon propre kiosque, pour embaucher des employés et pour m’engager à rester pour toute l’année. Tout ça, ça peut facilement représenter quelques dizaines de milliers de dollars.

Rebecca Turcot, propriétaire de MicroGreenRoots

Et est-ce que les 70 $ par jour valent la peine ? La jeune entrepreneure n’a pas pu rester toute la journée, mais assure qu’elle en aurait eu amplement pour son argent si elle avait fait toutes ses heures au kiosque.

Bonne nouvelle pour les jeunes agriculteurs

Pierre-Antoine Gilbert, professeur à l’Institut national d’agriculture biologique du cégep de Victoriaville, se réjouit de l’impact de ce genre d’initiative sur la relève agricole. « Lorsque mes étudiants lancent leur entreprise, la vente en marché fait très souvent partie de leur plan d’affaires », souligne-t-il.

« Le problème, ajoute-t-il, c’est que c’est difficile de trouver des marchés qui sont assez achalandés pour réussir à bien vendre, surtout si c’est pour proposer un produit qui est niché, comme c’est souvent le cas des agriculteurs biologiques. » Il souligne que plusieurs petits producteurs n’ont pas d’assez gros volumes de production pour s’engager à vendre toute l’année, comme c’est requis dans la plupart des marchés publics.

« N’importe quelle initiative qui aide les jeunes agriculteurs à garder la tête hors de l’eau est la bienvenue, » conclut l’enseignant.