En juillet, Manon Brouillette déménagera à New York pour y amorcer sa nouvelle carrière de cheffe de l’exploitation et vice-PDG de la division consommateurs du géant des télécoms Verizon. Un défi qui lui donne un peu le vertige, mais un tournis qu’elle juge beaucoup plus stimulant qu’angoissant. « Je me lance un peu dans le vide, mais avec l’impression d’élargir mes horizons », explique l’ex-PDG de Vidéotron qui vient d’entrer par la grande porte dans le monde – très compétitif – des affaires américain.

C’est au terme d’un processus qui a duré plusieurs semaines que Manon Brouillette a été finalement retenue pour occuper une fonction qui vient d’être créée chez Verizon, celle de cheffe de l’exploitation.

Les approches de Verizon ont débuté en mars par visioconférence et se sont poursuivies de la sorte jusqu’à ce que Manon Brouillette obtienne la confirmation qu’elle avait été retenue comme ultime candidate.

Pourquoi a-t-elle été préférée à tous les autres candidats ? « Il faudrait le leur demander, répond-elle. Plus sérieusement, je pense que c’est ma lecture du marché et ma personnalité franche et entière qui ont joué en ma faveur. J’ai eu aussi la chance d’avoir été au cœur de la transformation du secteur des télécoms. J’ai été chez Vidéotron de 2004 à 2018. Quand j’ai débuté au marketing et au développement, on était encore au coaxial, le sans-fil n’existait pas, on débutait dans la téléphonie résidentielle. Avec Robert Dépatie, le PDG de Vidéotron et mon mentor, on était sans cesse dans l’innovation et le lancement de nouveaux produits comme le Club illico. »

Et justement, Verizon souhaite élargir son empreinte dans le domaine des télécoms auprès des consommateurs américains grâce notamment à la révolution de la 5G et des investissements de 50 milliards qu’elle vient de réaliser pour doubler sa capacité spectrale.

Verizon veut rendre le service internet plus accessible pour les habitants des montagnes du Wyoming comme pour ceux qui vivent à proximité des déserts du Nouveau-Mexique. L’implantation de la 5G lui permettra d’offrir une connectivité haute vitesse à tous les consommateurs, peu importe où ils se trouvent.

On l’a vécu durant la pandémie lorsqu’on faisait des visioconférences avec des gens situés en région mal connectée. L’image et le son figeaient. L’implantation de la 5G va résoudre ces problèmes et rendre la communication fluide et accessible partout, sur tout le territoire des États-Unis.

Manon Brouillette

Ce virage consommateur a été renforcé par la vente récente des activités du secteur médias de Verizon, qui comprenait notamment les portails Yahoo et AOL, et l’acquisition au coût de 7 milliards US du fournisseur de téléphonie mobile prépayée TracFone.

En terrain de connaissance

Bien qu’elle soit pleinement consciente qu’elle se joint à un groupe beaucoup plus important que celui qu’elle dirigeait en 2018, Manon Brouillette souligne que le modèle d’affaires et les gammes de produits se ressemblent. « Quand j’ai quitté Vidéotron en 2018, on avait des revenus de 3,4 milliards. La division Consommateurs que je vais diriger chez Verizon génère à elle seule 90 milliards de revenus. Mais c’est la même structure avec des équipes techniques, d’ingénierie, des centres d’appels et de données, le service à la clientèle… »

L’ex-PDG de Vidéotron a passé les deux dernières années à se ressourcer et à faire rayonner son savoir-faire en siégeant à plusieurs conseils d’administration et en réalisant des mandats de consultation stratégique pour des fonds d’investissement.

À 50 ans, j’ai décidé de quitter Vidéotron, prendre une pause, me ressourcer avant de voir ce que j’allais faire. Au début, j’ai fait le vide, je me suis rapprochée de ma famille, je voulais vivre autre chose. Ç’a été deux années exceptionnelles, mais j’étais prête quand Verizon m’a approchée.

Manon Brouillette

Manon Brouillette a quitté les conseils d’administration dont elle était membre, notamment ceux d’Altice USA, un concurrent de Verizon, et de Lightspeed, la nouvelle vedette québécoise du commerce en ligne. « Je n’aurai plus de temps, je vais être assez occupée comme ça, d’autant que je souhaite faire le tour de nos principaux centres d’opérations au cours de la prochaine année. Je n’ai gardé que le conseil de la Banque Nationale, ce qui va me forcer à revenir à Montréal tous les trois mois », prévoit Manon Brouillette.

La Trifluvienne d’origine a trouvé un logement à New York assez vaste pour lui permettre d’accueillir ses enfants, maintenant adultes, lorsqu’ils voudront séjourner dans la mégalopole américaine. « C’est la beauté d’accepter un défi comme celui que j’entreprends à 52 ans. Je vais travailler fort, mais je veux garder un mode de vie équilibré. Ce n’est pas vrai que tu dois travailler 70 heures pour être performant.

« Tous mes proches savent que je ne pouvais refuser une telle proposition, dit Manon Brouillette sur le ton du ravissement. Je pense pouvoir apporter une valeur ajoutée à Verizon dans ses processus de transformation numérique et dans l’approche expérience client qu’on a développée chez Vidéotron et qui a beaucoup impressionné les dirigeants de Verizon. On se comprend bien et j’ai hâte de commencer. »