Une licence d’entrepreneur de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) n’est pas le gage de qualité et de confiance qu’il devrait être, dénonce la vérificatrice générale Guylaine Leclerc. L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction est consternée, tandis que la RBQ nuance le rapport.

Selon la loi, un entrepreneur doit détenir une licence et, pour l’obtenir, doit démontrer ses compétences, sa probité et sa solvabilité. Or, dans un rapport déposé à l’Assemblée nationale mercredi, la vérificatrice générale relève que la RBQ « ne prend pas tous les moyens appropriés » pour vérifier si les entrepreneurs qui demandent ou détiennent une licence respectent les obligations légales. « La stratégie et les moyens mis en œuvre par la RBQ pour s’assurer des compétences des entrepreneurs sont insuffisants », écrit-elle.

« C’est consternant, ce qu’on lit dans le rapport sur l’inefficacité de la RBQ », s’exclame au téléphone Marc-André Harnois, directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC).

Quand on voit de l’intérieur ce que la RBQ est supposée vérifier pour l’octroi des licences, qu’elle a même conclu des ententes avec différents organismes du gouvernement pour avoir accès aux informations et que dans l’essentiel des cas, le VG vient dire que la RBQ ne fait pas la vérification… Voyons donc ! Ça n’a pas de bon sens de travailler comme ça.

André Harnois, directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction

Dans un communiqué publié mercredi, la RBQ a dit apprécier « ce regard externe sur ses pratiques d’affaires, qui lui confirme qu’elle est sur la bonne voie avec les importants projets qu’elle a entrepris ».

Un constat qui a outré l’ACQC. « On n’a pas lu le même rapport, parce que moi, ce que je lis, c’est un rapport consternant qui dit page après page que la RBQ ne remplit pas son mandat, ne respecte pas la Loi sur le bâtiment. »

Les mêmes examens depuis 2008

La stratégie d’obtention de licence repose sur des examens qui ont d’importantes lacunes, selon la vérificatrice générale. Les versions d’examens sont peu modifiées au fil du temps, et « cela augmente le risque que les candidats connaissent d’avance les questions ».

« Les mêmes versions d’examens sont utilisées depuis 2008 pour 9 des 15 examens les plus fréquemment utilisés pour évaluer les compétences des candidats qui veulent se qualifier comme répondant en exécution de travaux de construction », peut-on lire dans le rapport.

Les inspections dans les chantiers touchent par ailleurs peu d’entrepreneurs. En trois ans, la RBQ a inspecté les chantiers de seulement 7 % des 20 449 entrepreneurs généraux et de 12 % des 12 899 entrepreneurs spécialisés.

Toujours selon la vérificatrice générale, la RBQ « ne prend pas en charge les entrepreneurs ayant un nombre élevé de non-conformités ».

La RBQ « ne vérifie pas les antécédents de certains entrepreneurs » avant de délivrer une licence. « Son approche pour déceler et contrer le travail sans licence est aussi à améliorer », souligne-t-elle.

La RBQ se défend

Lors d’un entretien téléphonique avec La Presse, le porte-parole de la RBQ, Sylvain Lamothe a affirmé qu’une nouvelle équipe avait été mise en place en 2018 et que de nombreux changements seraient bientôt apportés. Il cite notamment l’embauche de 128 nouveaux inspecteurs sur le terrain, l’informatisation des examens à l’été 2022 et la formation continue obligatoire des entrepreneurs qui entrera en vigueur en avril 2022.

La RBQ n’est pas parfaite, il y a des choses à améliorer, et c’est le mandat que la nouvelle équipe s’est donné.

Sylvain Lamothe, porte-parole de la RBQ

Pour ce qui est des vérifications lors de la délivrance des licences, Sylvain Lamothe, tient à préciser que dans 95 à 98 % des cas, les entrepreneurs n’ont pas d’antécédents judiciaires et qu’il est préférable de ne pas retarder les bons élèves.

« C’est une volonté du législateur d’avoir un juste équilibre et de ne pas surcharger les entrepreneurs d’éléments administratifs qui feraient en sorte que ça découragerait l’entrepreneuriat et, de toute façon, les gens œuvreraient sans licence en faisant du travail au noir », explique le porte-parole de la RBQ.

D’autres failles soulignées

Selon la vérificatrice générale, « les mesures de compensation financière mises en place par la RBQ et l’information qu’elle publie dans le Registre des détenteurs de licence ne protègent pas adéquatement les consommateurs ». Par exemple, les montants du cautionnement sont parfois insuffisants et le délai pour déceler un vice de construction est trop court pour certains types de travaux.

Les compétences de certains entrepreneurs spécialisés, par exemple dans la pose de portes et fenêtres ou le terrassement, « ne sont pas évaluées ». « En sus, la RBQ ne réalise pas d’inspection des travaux réalisés par les titulaires de ces licences. »

La vérificatrice générale relève que la RBQ réalise depuis des années des excédents budgétaires. Pour 2019-2020, son excédent s’est chiffré à 16,4 millions, car ses revenus équivalaient à 126 % de ses dépenses. « Le mode de tarification de la RBQ ne permet pas d’arrimer ses revenus à ses dépenses pour chacune de ses clientèles », affirme-t-elle.

+WEB Consultez le rapport de la vérificatrice générale du Québec