L’entreprise familiale Charl-Pol est née à La Baie, au Saguenay, et est enracinée depuis maintenant 100 ans dans le paysage industriel québécois, où le fabricant d’équipements lourds destinés aux grandes entreprises du secteur de l’aluminium, des mines, de l’industrie navale et de l’énergie exploite cinq usines, dont une en Colombie-Britannique. Son PDG, Richard Tremblay, nous raconte le cheminement de l’entreprise fondée en 1921 par son grand-père Jos Tremblay, simple maréchal-ferrant, et son transfert à une quatrième génération.

Q. Votre entreprise est méconnue du grand public. Pourtant, vous êtes devenu un acteur important pour les grands groupes industriels au Québec. Comment tout a-t-il commencé ?

R. Mon grand-père Jos Tremblay a fondé il y a 100 ans Charl-Pol à La Baie pour pouvoir s’occuper de sa famille de 21 enfants. Au départ, il ferrait les chevaux et installait de l’acier sur les roues de wagons. C’est en forgeant qu’on devient forgeron… Puis il a commencé à faire des pièces d’acier pour les entreprises de pâtes et papiers de la région. Il a construit une belle notoriété.

Deux de ses fils, Charles et Paul, ont pris la relève en 1973 et ont davantage développé le côté industriel en réalisant des équipements en acier pour les entreprises de la région, comme des silos pour les agriculteurs ou des pièces d’équipement pour les alumineries.

J’ai rejoint l’entreprise en 1983 comme employé et en 1988, avec mon cousin Marc, on l’a rachetée à nos parents. On a signé la même année un premier gros contrat industriel d’importance avec l’Alcan pour la construction de l’aluminerie de Laterrière et on a fait une première expansion en achetant un compétiteur à Laterrière.

Q. Quel était ce premier contrat ? Qu’est-ce que l’Alcan vous demandait de fabriquer ?

R. On fabriquait plusieurs équipements comme les creusets, les dalles des salles de cuves, les tiges d’anode. C’était des pièces répétitives, des équipements lourds qui servent à la fabrication de l’aluminium.

On avait pris la décision stratégique de réaliser de gros contrats industriels. C’est ce qu’on a fait. On a acheté et agrandi l’usine de Laterrière et cela nous a permis de décrocher d’autres contrats comme celui de la nouvelle aluminerie Lauralco à Deschambault. Tout cela durant la même année.

Q. Ç’a donc été une période de forte expansion pour vous.

R. Il y avait beaucoup d’activité à ce moment-là et a on a décidé d’acheter une usine à Portneuf pour nous rapprocher de l’aluminerie de Deschambault et assurer la maintenance et le remplacement des équipements qu’on leur fabriquait.

C’est devenu notre marque de commerce que de nous rapprocher de nos clients. Aujourd’hui, on leur dit : « Si vous allez sur la Lune, on ira avec vous. »

C’est pourquoi on a ouvert récemment une usine à Sept-Îles, puis une à Baie-Comeau, pour être à proximité des alumineries et d’autres clients sur place. On s’est aussi associés, en 2014, avec un industriel de la Colombie-Britannique pour ouvrir une usine à Kitimat, à proximité de l’aluminerie de Rio Tinto.

À Baie-Comeau comme à Sept-Îles, on a aussi des associés locaux qui ont investi avec nous. C’est important d’avoir des gens de la place comme partenaires, ils sont plus en mesure de choisir les bons fournisseurs pour faire de l’achat local et trouver les bonnes occasions d’affaires.

Q. Au fil des ans, vous avez eu une clientèle diversifiée qui ne se limite pas aux alumineries. Comment se segmentent vos affaires aujourd’hui ?

R. On réalise 50 % de notre chiffre d’affaires avec l’aluminium. Il y a constamment des équipements à entretenir et à remplacer. Le secteur minier est aussi important puisqu’il génère 30 % de nos revenus. On est très liés au développement minier du nord du Québec et à chacun des nouveaux projets.

Le secteur de l’énergie et de la foresterie représente plus de 10 % de notre chiffre d’affaires et l’industrie navale, entre 5 et 10 %. On a fabriqué dans le passé des pièces de coque de navire pour la Davie qui pesaient jusqu’à 120 tonnes.

On s’attend à des développements importants avec la construction des nouveaux brise-glace au chantier naval Davie. James Davies, le nouveau propriétaire du chantier naval, fait un travail remarquable pour la relance de l’entreprise et je suis membre du conseil d’administration des fournisseurs de la Davie. On est près de 1000 fournisseurs du chantier Davie, c’est beaucoup de retombées économiques pour l’ensemble du Québec.

Q. Vous célébrez cette année votre 100anniversaire de fondation. Qu’est-ce que vous retenez du passé et qu’attendez-vous de l’avenir ?

R. D’abord, pour célébrer 100 ans d’histoire, ça prend du monde, des employés engagés, on en a près de 400 maintenant qui sont innovants et qui nous ont permis de nous rendre là où nous sommes rendus. On va encore être là dans 100 ans.

On va y arriver par la croissance organique, mais en réalisant aussi des acquisitions dans les secteurs minier et naval.

Q. Comment préparez-vous le transfert de Charl-Pol à la quatrième génération ?

R. On a une équipe forte en place, mais surtout, j’ai préparé la relève en vendant, il y a trois ans, 25 % de l’entreprise à trois de mes collaborateurs clés, soit Marlène Gauthier, directrice générale, Jonathan Lalande, directeur de l’usine de Saguenay, et Jean-Sébastien Michaud, directeur des ressources humaines.

J’avais racheté les actions de mon cousin Marc en 1996 et j’étais donc devenu l’unique propriétaire.

Ma fille Andréanne, qui est CPA, et mon fils Gabriel, qui est ingénieur mécanique, se sont joints à l’entreprise, à l’administration et au développement des affaires, après avoir travaillé dans leur domaine respectif durant trois ans à l’extérieur. Ils sont prêts à prendre la relève.

Je vais vendre un autre bloc de 24,9 % de l’entreprise à mes cinq cadres principaux d’ici la fin du mois et je vais rester en poste, mais c’est la quatrième génération qui va poursuivre la transformation technologique et l’expansion de Charl-Pol.