La recette que l’industrie du savon et des shampoings cherche depuis longtemps pour éliminer les composants à base de pétrole de leurs produits est peut-être en train d’être concoctée au Québec. Et il y a de l’ananas dedans.

Des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont découvert une molécule qui a le potentiel de révolutionner ce marché. Baptisée « ananatoside », la molécule pourrait remplacer les surfactants synthétisés à partir du pétrole.

Le principal ingrédient actif des savons et des shampoings et ce qui les fait mousser, ce sont les surfactants, explique Charles Gauthier, directeur de l’équipe de recherche internationale du centre Armand-Frappier, une composante de l’INRS. « L’ananatoside est un biosurfactant, qui peut remplacer les surfactants existants fabriqués à partir du pétrole », précise-t-il.

Il s’agit d’une avancée importante qui n’est pas passée inaperçue. Les travaux de l’INRS ont été publiés dans Chemical Science, la revue de la Royal Society of Chemistry, et des industriels ont déjà pris contact avec les chercheurs, indique le professeur Gauthier.

Les fabricants de savon, de détergent et de shampoing, un marché de plusieurs milliards de dollars annuellement, ont un appétit croissant pour les surfactants biodégradables et moins polluants.

L’équipe de l’INRS s’est intéressée aux rhamolipides, des molécules aux propriétés intéressantes produites à partir d’une bactérie appelée Pseudomonas aeruginos. Les rhamolipides ont beaucoup de vertus, mais la bactérie qui les génère est pathogène pour l’être humain. « On ne peut pas cultiver ces bactéries à grande échelle parce que ça pose des risques pour la santé », précise le chercheur.

Son équipe a pu détecter et isoler des molécules semblables aux rhamolipides dans une autre bactérie, inoffensive celle-là, nommée Pantoea ananatis, de l’ananas dont elle est issue. C’est ce qui a conduit à l’ananatoside, un biosurfactant qui combine les propriétés recherchées par l’industrie et qui peut être produit en laboratoire en grande quantité.

« On pourrait en produire de façon sûre à une grande échelle », estime Charles Gauthier, qui travaille sur les biosurfactants depuis 2016 avec un autre spécialiste de l’INRS, Éric Déziel.

« Au départ, on ne cherchait pas à faire du savon », précise le chercheur. Mais devant l’intérêt qui se manifeste, c’est peut-être là que leur découverte mènera.

L’Institut national de la recherche scientifique abrite 1500 chercheurs, professeurs et étudiants dans ses quatre centres de recherche et de formation situés à Montréal, Québec, Varennes et Laval.