Les Québécois se sont flagellés pour leurs insuccès lors de la première vague de la pandémie. Avec raison.

Aujourd’hui, ne serait-il pas temps de nous féliciter pour notre étonnante capacité à maîtriser la 3vague, bien mieux qu’ailleurs au Canada ? À croire que nous avons appris de nos erreurs.

Il n’y aura pas de commission d’enquête pour l’analyser, mais les chiffres pointent tous dans la même direction : les mesures sanitaires et les efforts du Québec ont manifestement porté leurs fruits, malgré les variants. Du moins jusqu’à maintenant.

Pour décortiquer la question, j’ai séparé en trois vagues les données des quatre plus grandes provinces canadiennes (Ontario, Québec, Colombie-Britannique et Alberta) (1). Le cycle complet de la 1re vague s’est terminé en août 2020 et celui de la 2e vague, vers la mi-mars 2021. Mes données pour la 3e vague s’arrêtent le 3 mai 2021.

Premier indicateur : le nombre de cas. Le Québec est la seule des grandes provinces à avoir vu un recul entre la 2e et la 3e vague, tant et si bien qu’aujourd’hui, le Québec a moins de cas que partout ailleurs (2). On recense ainsi 128 cas quotidiens par million d’habitants pour cette 3e vague, en moyenne, contre 213 en Ontario et 261 en Alberta, soit plus du double.

Autre indicateur, probablement le meilleur : le volume de patients aux soins intensifs. Lors de la 1re vague, le Québec a eu une moyenne de 11 patients quotidiens aux soins intensifs par million d’habitants. Ce taux est passé à 13 lors de la 2e vague, puis à 16 pour la vague en cours.

Il s’agit d’une hausse, me direz-vous, n’est-ce pas négatif ? Pas vraiment. D’abord, lors de la 1re vague, bien des résidants de CHSLD n’ont probablement pas été transférés aux soins intensifs, la COVID-19 ayant frappé trop rapidement, faisant baisser le taux.

Ensuite, la moyenne de la 2e vague est plus élevée parce que le creux du cycle a été moins bas que celui de la 1re vague (durant l’été) avant la remontée.

Enfin, quant au chiffre plus haut de la 3e vague, il s’explique parce que le Québec vient de commencer à redescendre, après le pic d’il y a deux semaines, et que les chiffres qui feront baisser la moyenne sont à venir.

Mais attendez de voir l’Ontario. Dans la province de Doug Ford, le nombre de patients aux soins intensifs est progressivement passé de 6 par million à la 1re vague à 13 lors de la 2e vague, rejoignant ainsi le Québec. La 3e vague est catastrophique, avec 38 patients par million aux soins intensifs, plus du double du Québec !

Même constat en Alberta et en Colombie-Britannique, qui ont toutes deux surpassé le Québec lors de la 3e vague (19 et 21 patients par million d’habitants aux soins intensifs).

Conclusions assez semblables pour les décès. Le Québec est passé à 5 % sous la moyenne canadienne lors de la 3e vague et à 28 % sous la moyenne ontarienne.

Au cours de l’actuelle 3e vague, le taux de décès quotidiens au Québec est de 0,9 par jour par million d’habitants, contre 4 décès par jour lors de la 1re vague.

Partout, la forte chute s’explique bien sûr par la vaccination des personnes âgées. Le taux de vaccination est d’ailleurs assez semblable partout au pays. Au Québec, faut-il ajouter, le réseau avait perdu le contrôle dans les CHSLD lors de la 1re vague, d’où le taux de décès alors quatre fois plus élevé qu’ailleurs au printemps 2020 si l’on se fie aux données qui ont été dévoilées.

Comment expliquer ce revirement ?

D’une part, le Québec est la seule province à avoir imposé un couvre-feu. Ailleurs, comme en Ontario et en Alberta, les autorités sont allergiques à cette restriction des droits, ce qui serait le reflet des vœux d’une part importante de la population.

Avec son couvre-feu, le Québec a imité la France et l’Allemagne, notamment, mais pas le Royaume-Uni ni la plupart des régions américaines. Est-ce notre accent plus fort sur les droits collectifs ?

Autre raison probable pour notre succès : les interventions de la santé publique de Montréal sur le terrain, avec la Dre Mylène Drouin à sa tête. La région de Montréal, étonnamment, n’a pas connu une explosion de cas semblable à d’autres régions métropolitaines, malgré l’apparition des variants. Le nombre de cas, au contraire, est resté stable, bien qu’il soit demeuré dans la zone rouge.

L’esprit de corps des Québécois a aussi pu jouer, pourrait-on dire. Oui, il y a eu des contestations, mais bien moins qu’ailleurs.

Enfin, les autorités ont réagi rapidement, à l’écoute des leaders scientifiques, ramenant les déplaisantes restrictions dès qu’un rebond s’est pointé. Qu’on pense, entre autres, au retour du couvre-feu à 20 h à Montréal et à Laval le 11 avril, seulement trois semaines après l’avoir remonté à 21 h 30.

Cela dit, les données cachent des éléments intrigants, qu’il faudrait fouiller.

Le Québec semble plus prompt à hospitaliser les malades atteints de la COVID-19 qu’ailleurs. Ainsi, la proportion de cas hospitalisés est plus élevée ici que partout, peu importe les vagues. Est-ce l’âge de la population ? Le triage trop large ?

La comparaison des patients hospitalisés et des cas aux soins intensifs reflète bien cet écart. Au Québec, il faut 6,5 patients pour avoir un transfert aux soins intensifs. En Ontario, c’est 3,3, et en Colombie-Britannique, 3,6. Dit autrement, c’est comme si une proportion plus grande de patients sont moins malades qu’ailleurs dans nos hôpitaux.

Autre observation, peu favorable : la proportion de personnes malades qui meurent est plus grande ici que partout ailleurs. Ainsi, au cours des 2e et 3e vagues –, où les données sont plus fiables et comparables – les décès quotidiens représentent 1,8 % des cas, contre 1,2 % en Ontario, 1,1 % en Colombie-Britannique et 1 % en Alberta. Est-ce explicable par notre meilleure recension des décès ? À voir.

1. Les données viennent de la Banque Nationale, qui fait un excellent suivi quotidien de la pandémie, au Canada et ailleurs dans le monde, à partir de données fiables de diverses sources.

2. La recension des cas était trop peu fiable lors de la 1re vague pour faire des comparaisons.