L’Association québécoise du transport aérien (AQTA) fulmine. Pour la première fois en 15 ans, sa division AéroNolisement n’administrera pas la liste de transporteurs accrédités pour les déplacements gouvernementaux, en plus de ceux d’organismes comme Héma-Québec et Transplant Québec. C’est une entreprise de Toronto, Air Charter Service, qui a remporté l’appel d’offres.

« Je suis très déçu, admet Jean-Marc Dufour, PDG de l’AQTA. J’ai appris la nouvelle jeudi dernier, à la suite de l’appel d’offres qui se terminait le 8 avril. Je ne connais pas l’entreprise choisie. Elle n’a même pas de place d’affaires au Québec. On va faire appel aux Ontariens pour satisfaire les besoins d’ici, alors qu’on prêche d’acheter au Québec. »

Depuis 2007, le Service aérien du gouvernement (SAG) du Québec se fiait à AéroNolisement pour ses déplacements de personnel et autres services aériens (transport de prisonniers, dons d’organe, capture d’ours…), et ce, 24 heures sur 24. Les employés de cette division, qui administre plusieurs exploitants du service aérien commercial présents dans la province (Max Aviation, Corpo Aviation, Propair…), sont ceux qui déterminaient quel transporteur et quel appareil noliser, en plus de suivre entièrement les opérations commandées.

« Pour Transplant Québec, par exemple, la marge d’erreur est de zéro, car un cœur vit quatre heures, raconte Jean-Marc Dufour. On est tellement diversifiés et dédiés. Nos conseillers sont avec nous depuis le début. Ils connaissent le terrain, le Nord. »

Le président de Corpo Aviation, qui propose six appareils de neuf passagers Pilatus-12 au service du SAG, est aussi inquiet. « Je ne doute pas que l’entreprise choisie soit efficace, mais je suis surpris que ce soit une entreprise de Toronto, affirme Jimmy Emond. Comment ça a pu se rendre en Ontario ? Comme transporteur sur l’appel d’offres, vais-je devoir opérer en anglais ? J’espère que ce ne sera pas plus compliqué. Parfois, c’est plus facile de gérer un vol avec quelqu’un présent depuis longtemps, qui connaît le transporteur et le type d’appareil. »

« Air Charter Service est une bonne entreprise que je respecte, ajoute Josée Prud’homme, présidente de Max Aviation et Cargair. Ce sont des gens professionnels avec qui j’aime travailler. Mais que le gouvernement donne le contrat à l’extérieur du Québec est questionnable en temps de pandémie et de Panier bleu. »

Cela dit, Mme Prud’homme n’est pas surprise que l’AQTA, association qu’elle a quittée, ait perdu l’appel d’offres. « Il y a un problème administratif au sein de l’AQTA, résume-t-elle. Et on ne défend pas bien nos intérêts. »

En conformité

Dans un courriel envoyé à La Presse, le ministère des Transports du Québec confirme le contrat donné à Air Charter Service, soit le plus bas soumissionnaire conforme. « Le Québec a entériné différents accords de commerce et de coopération visant à ouvrir son marché, explique par écrit une porte-parole. En vertu de ces accords, une entreprise, un produit ou un service ne peut être exclu d’un marché en raison de son territoire d’origine et le Québec ne peut se soustraire à ces obligations. Le processus d’adjudication a été fait en conformité avec la Loi sur les contrats des organismes publics et les accords de commerce dont le Québec est signataire. »

Le prix de la soumission de l’AQTA, pour un contrat de deux ans avec le SAG, était de 4,5 % plus élevé que celui d’Air Charter Service, au dire de M. Dufour. Le contrat perdu privera conséquemment l’Association d’au minimum 100 000 $ de profits, calcule-t-il.

L’appel d’offres comportait une exigence de services devant être rendus en français, affirme le ministère des Transports : « La firme qui l’a remporté consacrera une équipe dédiée en français pour l’exécution de ce contrat, et ce, tant auprès du Ministère, qui est responsable de la gestion du contrat, qu’auprès des clients du service de nolisement. »