La Caisse de dépôt et Cadillac Fairview s’échangent le centre Fairview Pointe-Claire et les Galeries d’Anjou, a appris La Presse

Deux grands propriétaires fonciers vont s’échanger deux des plus importants centres commerciaux de la région montréalaise, a appris La Presse. La transaction faciliterait l’expropriation nécessaire à la construction du nouveau terminal de la ligne bleue aux Galeries d’Anjou.

Ivanhoé Cambridge, bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, va devenir le seul propriétaire des Galeries d’Anjou, tandis que Cadillac Fairview, division de la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario (Teachers’), récupérera la totalité du centre Fairview Pointe-Claire et les terrains voisins, dans l’Ouest-de-l’Île.

Actuellement, les Galeries d’Anjou et Fairview Pointe-Claire sont détenus conjointement par Ivanhoé Cambridge et Cadillac Fairview, à 50 % chacun. C’est Cadillac Fairview qui gère les deux propriétés.

Selon nos informations, les parties se sont entendues sur la conclusion de la transaction. Elles n’attendaient plus que l’aval du Bureau de la concurrence ; ce serait maintenant chose faite.

PHOTO YVES TREMBLAY, LES YEUX DU CIEL

Les Galeries d’Anjou

L’échange s’accompagne d’une somme d’argent pour Ivanhoé Cambridge, selon nos informations.

Ivanhoé Cambridge, nous a-t-on dit, n’a pas de commentaire à formuler à ce stade parce que la transaction n’est pas finalisée.

« Nous pouvons confirmer que nous travaillons sur une entente avec Ivanhoé Cambridge concernant deux actifs à Montréal, mais pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de fournir plus de détails », a fait savoir par courriel Wendie Godbout, vice-présidente de North Strategic et de MSL Canada, au nom de Cadillac Fairview.

Discorde entre les partenaires

« Les discussions étaient tendues entre les deux partenaires aux Galeries d’Anjou, dit Luis Miranda, maire de l’arrondissement d’Anjou. Chez Ivanhoé, ils n’étaient pas d’accord avec la façon dont les Galeries d’Anjou menaient le dossier dans le projet de la ligne bleue. C’était l’impression que j’en avais. » L’élu voit d’un bon œil le fait que la Caisse de dépôt devienne l’interlocuteur unique dans le dossier.

La mauvaise relation entre Cadillac Fairview et la Société de transport de Montréal (STM) agaçait Ivanhoé Cambridge et a été l’un des déclencheurs de la transaction, a-t-on effectivement pu apprendre.

Ivanhoé Cambridge croit être en mesure de négocier avec la STM une entente qui limitera le besoin d’expulser des locataires tout en étant bénéfique aux deux parties.

Destination de magasinage dans l’est de Montréal, les Galeries d’Anjou doivent accueillir le terminus de la ligne bleue du métro. La STM a le dessein d’exproprier jusqu’au quart (70 000 mètres carrés) de la propriété pour y construire la station et un stationnement incitatif de 1200 cases. En réaction, Cadillac Fairview s’est adressé aux tribunaux. De plus, le promoteur a présenté l’été dernier l’ébauche d’un projet de densification de sa propriété de 2,5 milliards de dollars.

Face à la flambée des coûts – la facture du prolongement du métro atteint maintenant 6 milliards, selon des rapports –, la Ville de Montréal a mis sur pied un comité pour étudier l’abandon de coûteuses infrastructures comme le stationnement incitatif.

Futur « centre-ville de l’Ouest-de-l’Île »

À Pointe-Claire, Cadillac Fairview est en discussion avec les autorités municipales pour faire accepter sa vision d’un « centre-ville de l’Ouest-de-l’Île ». En plus du centre Fairview Pointe-Claire, la société possède avec Ivanhoé Cambridge des participations dans le terrain voisin de plus de 200 000 mètres carrés qui a longtemps appartenu au cégep John-Abbott. Le projet inclut la construction d’une résidence pour personnes âgées, de tours d’habitation et d’un hôtel, pour combler un manque dans le secteur. Il est aussi question d’espaces publics, de bureaux, de parcs.

La Ville de Pointe-Claire n’a pas donné suite à notre demande d’informations.

Selon Danielle Pilette, professeure de l’Université du Québec à Montréal qui suit les dossiers métropolitains, la Caisse joue la carte de la prudence. « Dans l’Ouest-de-l’Île, ce ne sont pas des fervents de la Caisse de dépôt. Déjà, le REM n’est pas beau, bien que les gens soient contents d’être desservis par le REM. Il gâche leur paysage. Selon moi, la Caisse ne tient pas à soulever plus d’opposition avec le lotissement controversé d’un ancien boisé. »

Jean-Philippe Meloche, professeur agrégé à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, estime de son côté que la Caisse fait plaisir à toutes les parties avec cette transaction.

« La Caisse se sent en conflit d’intérêts avec les développements immobiliers d’Ivanhoé à proximité des gares de son REM, dit l’universitaire. Se retirer complètement du projet “centre-ville Pointe-Claire”, ça fait partie de sa vision éthique. En même temps, ça lui donne l’occasion de demander à Cadillac Fairview de sortir d’Anjou où elle importune le ministère des Transports. »

« J’ai l’impression que la Caisse rend service à tout le monde », indique M. Meloche.

Dans les derniers mois, Ivanhoé Cambridge a clairement annoncé son intention de réduire son exposition aux centres commerciaux du Canada. La semaine dernière, le Groupe Mach a confié qu’il discutait de l’achat de deux de ses propriétés : Laurier Québec et Place Ste-Foy.