Des marques canadiennes comme Joe Fresh, Lululemon ou encore L’Équipeur contribuent à maintenir les travailleurs des manufactures de vêtements du Bangladesh dans un état de précarité, conclut un rapport publié lundi par le Fonds humanitaire des Métallos. Une situation amplifiée en raison de la crise sanitaire.

« Les femmes qui confectionnent nos vêtements sont payées l’équivalent de 6 $ ou 7 $ par jour. Ce n’est pas suffisant », peut-on lire dans le document intitulé « Même pas le strict minimum ». Celui-ci a été rédigé grâce au travail d’une chercheuse établie à Dacca qui a repéré des manufactures approvisionnant des marques canadiennes et a réussi à interroger 35 personnes travaillant dans neuf usines différentes. Bien que ces conditions difficiles soient déjà connues, la crise sanitaire aurait amplifié cet état de misère.

« À mesure que les marques de vêtements, incluant les marques canadiennes, annulaient leurs commandes et n’acquittaient pas les paiements en entier, des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs ont été mis à pied, souvent sans indemnisation », écrit-on.

Selon le rapport, plusieurs marques canadiennes s’approvisionnent au Bangladesh : Arc’teryx (établie au Canada, mais propriété d’Amer Sports, de Finlande), Coalision inc., Groupe Dynamite, Lululemon, L’Équipeur (propriété de Canadian Tire), Nygard, Reitmans, Stormtech Performance Apparel, YM inc., Joe Fresh et La Baie d’Hudson. L’Équipeur et Nygard semblent être celles « dont le Bangladesh est la principale source de vêtements ».

« Les marques et les détaillants canadiens comptent parmi les entreprises internationales qui ont été attirées au Bangladesh par les faibles salaires et coûts de production dans les manufactures de vêtements de ce pays, indique le document. Les exportations de vêtements du Bangladesh au Canada ont augmenté d’un milliard de dollars ces dix dernières années, soit une hausse de 133 % de 2010 à 2019. »

INFOGRAPHIE LA PRESSE

La Presse a fait plusieurs tentatives pour obtenir des réactions des différentes marques et entreprises visées. Loblaw (Joe Fresh) a répondu en indiquant qu’il était trop tôt pour réagir. « Nous n’avons été saisis du rapport qu’aujourd’hui [lundi] et sommes encore à l’analyser avec la haute direction, a déclaré par courriel Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives et communications, de Loblaw. Il est donc trop tôt pour le commenter à ce point-ci. Ceci étant dit, notre engagement à améliorer les conditions de ces travailleurs se poursuit, et nos attentes à l’égard de nos fournisseurs sont clairement stipulées dans notre Code de conduite des fournisseurs. »

Ce Code indique notamment que Loblaw travaille « en collaboration avec des marques de vêtements, des organismes non gouvernementaux et des groupes de travail de premier plan à l’échelle internationale en vue d’améliorer les conditions de travail des millions de travailleurs de l’industrie textile dans le monde entier ».

L’entreprise rappelle qu’elle publie deux fois par an la liste des usines où elle s’approvisionne en chaussures et en vêtements.

De son côté, Canadian Tire (L’Équipeur) nous a dirigée vers la section Durabilité de son site internet. « Nous avons contribué à fonder l’Alliance pour la sécurité des travailleurs du Bangladesh en 2013 et nous continuons à collaborer avec d’autres marques et détaillants par l’entremise de Nirapon pour veiller au maintien des améliorations mises en œuvre par les usines. Nirapon est un organisme sans but lucratif visant à faire avancer les intérêts commerciaux communs de marques nord-américaines qui ont à cœur la gestion de la sécurité dans leurs usines de prêt-à-porter au Bangladesh », lit-on.

Boycotter n’est pas la meilleure solution

Guillaume Charbonneau, agent de projets et responsable des communications au Fonds humanitaire des Métallos, organisme de bienfaisance enregistré, financé par des contributions des membres du Syndicat des Métallos, affirme qu’il est « plutôt difficile d’engager les marques dans une conversation sur ce sujet-là ».

Malgré tout, M. Charbonneau ne croit pas que le fait de boycotter ces produits, notamment en n’achetant plus de chandails ou de camisoles en provenance du Bangladesh, soit une bonne solution. « Ça serait tentant, admet-il. On est assez familiers avec les notions de boycottage. C’est facile, on n’achète pas si ça vient du Bangladesh. Ça donne des résultats intéressants. Mais malgré toutes les difficultés documentées dans le rapport, ça reste un secteur extrêmement important de l’économie. Si tout le monde se mettait à boycotter demain matin, ça serait problématique. »

Le Fonds humanitaire souhaite toutefois que les entreprises s’engagent publiquement à payer des salaires plus décents tout au long de la chaîne d’approvisionnement. « Pour nous, la seule façon de le faire, c’est de négocier un accord juridiquement contraignant qui les obligerait à payer une prime sur chaque vêtement qu’elles achètent. »