(Montréal) Québec en a soupé des frais abusifs imposés aux restaurateurs par les Uber Eats et Doordash de ce monde et de leur refus de plafonner ces frais.

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, a déposé jeudi un projet de loi pour les forcer à freiner leur appétit, sans quoi ils s’exposent à des amendes gargantuesques.

Le projet de loi 87 impose des frais de livraison d’au maximum 15 % du montant de la commande avant taxes et un maximum de 5 % pour le service internet si la livraison est faite par le service de commande ou en son nom, pour un total de 20 %. Il impose par ailleurs un maximum de 10 % pour le service internet sur la commande lorsque la livraison est effectuée par quelqu’un d’autre que le service web.

La sanction est lourde pour ceux qui tenteront de défier la loi : celle-ci prévoit des amendes de 5000 $ à 500 000 $, dans le cas d’une personne physique, et de 15 000 $ à 1,5 million, dans les autres cas, amendes minimales et maximales qui seront « portées au double en cas de récidive ».

Les géants ciblés

Ces mesures ne visent que les gros joueurs, puisqu’elles s’appliquent « à un tiers qui fournit des services de livraison à des restaurateurs pour au moins 500 restaurants ». De plus, elles ne s’appliquent qu’aux restaurateurs « dont la salle à manger est fermée en raison des mesures sanitaires » et ne seront plus en vigueur une fois levé l’état d’urgence sanitaire.

Le projet de loi ferme aussi la porte à une échappatoire qu’auraient pu utiliser les services de livraison en précisant que ceux-ci ne peuvent réduire le montant versé au livreur pour arriver aux pourcentages ordonnés par la loi. Une telle baisse de rémunération pour contourner la loi est également passible des amendes mentionnées ci-dessus.

Le ministre avait demandé aux trois plus grandes entreprises offrant ces services — Uber Eats, Doordash et SkipTheDishes — de plafonner volontairement leurs frais. Seule l’entreprise canadienne SkipTheDishes, mieux connue sous le nom de Skip, qui imposait déjà des frais de 20 %, avait accepté.

Pressions et recours juridique

Les partis d’opposition, l’Association Restauration Québec et même la Ville de Montréal avaient demandé au gouvernement Legault de s’interposer dans le dossier.

Bien que Québec solidaire accueille favorablement l’intention du projet de loi, la formation politique dénonce les limites que lui impose le ministre. Son porte-parole en matière de justice fiscale, Vincent Marissal, déplore ainsi que le plafond ne soit construit qu’au-dessus des zones rouges et orange et qu’il y ait une date de péremption sur l’emballage, soit jusqu’à ce que l’état d’urgence sanitaire soit levé.

Le député solidaire de Rosemont estime qu’il faut plutôt « une solution permanente » à ces frais et demande au ministre de retourner à la table et de « garantir à tous les restaurateurs du Québec que les frais abusifs ne vont pas revenir avec le retour du beau temps ».

Une demande d’action collective a par ailleurs été déposée en Cour supérieure par un restaurateur montréalais à la mi-janvier. Celui-ci alléguait, dans sa demande, que les commissions « au-delà de 15 % de la commande du client sont disproportionnées, usurières et abusives, et donc en violation de l’article 1437 du Code civil du Québec ».

Le représentant de la demande d’action collective, le restaurant Deli Boyz de Montréal, vise de plus à obtenir des dommages et intérêts et réclame une injonction pour forcer le plafonnement des frais à 15 % du montant de la commande.