Si la firme d’ingénierie SNC-Lavalin a creusé sa perte au cours de son dernier trimestre par rapport aux résultats qu’elle avait produits l’an dernier, l’entreprise a aussi creusé sa sortie du tunnel qui devrait lui permettre de voir enfin un peu de lumière au cours de la nouvelle année financière.

Les résultats financiers qu’a dévoilés mardi SNC-Lavalin n’ont pas surpris grand monde, parce que l’entreprise avait déjà avisé les marchés, il y a un mois, qu’elle allait enregistrer des charges diverses à son quatrième trimestre en raison d’ajustements liés à la vente de ses activités dans le secteur pétrole et gaz, des coûts liés à certains projets d’infrastructures clés en main et enfin des effets de la pandémie.

Rappelez-vous : Ian Edwards, PDG de SNC-Lavalin, a annoncé le 9 février dernier que l’entreprise venait de trouver un repreneur pour ses activités dans le secteur pétrole et gaz, dans lequel l’entreprise avait massivement investi en 2014.

Depuis 2018, l’effondrement des prix du pétrole et les tensions diplomatiques entre le Canada et l’Arabie saoudite ont lourdement plombé les résultats financiers de SNC-Lavalin. Dès juillet 2019, Ian Edwards, alors PDG intérimaire de SNC-Lavalin, annonçait que l’entreprise allait revoir sa stratégie et opérer sa transformation.

SNC-Lavalin avait aussi inscrit à l’ordre du jour de cette métamorphose annoncée la fin des projets d’infrastructures clés en main à prix forfaitaire (CMPF), dans lesquels elle a aussi perdu beaucoup d’argent.

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Ian Edwards, PDG de SNC-Lavalin

« On s’est engagé à réduire les risques de nos activités liées au secteur pétrole et gaz et à exposition aux projets CMPF. On l’a fait. La transformation est bien engagée.

« On a vendu nos actifs du pétrole et gaz à Kentech, il ne nous reste plus que trois projets d’infrastructures CMPF à compléter. Toutes nos activités restantes vont bien et dégagent des marges bénéficiaires très acceptables », m’a expliqué Ian Edwards, mardi, en marge du dévoilement des résultats du quatrième trimestre.

Les trois projets d’infrastructures clés en main à prix forfaitaire que SNC-Lavalin doit encore terminer sont tous des réseaux de trains légers sur le sol canadien, dont deux qui doivent être terminés au cours de l’année 2022, alors que le dernier, et non le moindre, le Réseau express métropolitain (REM), doit être livré d’ici 2024.

Est-ce que SNC-Lavalin prévoit être mise à contribution pour assumer une partie des coûts excédentaires qui sont maintenant prévus pour la construction du tunnel sous le mont Royal ?

Charles Émond, PDG de la Caisse de dépôt et placement, a indiqué il y a deux semaines que CDPQ Infra ferait bientôt une mise à jour complète des coûts de construction du REM en raison des problèmes rencontrés sous le mont Royal, des retards qu’ils ont occasionnés et des frais additionnels qu’ils vont entraîner.

« On travaille très étroitement avec les gens de CDPQ Infra à trouver des solutions pour résoudre les problèmes qui ont été rencontrés lors des travaux sous le mont Royal, mais on ne s’attend pas à être sollicités financièrement », a répondu Ian Edwards.

Charges, provisions et croissance

À son quatrième trimestre, SNC-Lavalin a enregistré une perte nette attribuable à ses actionnaires de 707 millions, comparativement à une perte de 292 millions l’an dernier. Pour l’ensemble de son exercice financier 2020, SNC totalise une perte nette de 965 millions, comparativement au bénéfice net de 328 millions qu’elle avait dégagé pour l’année 2019.

La perte nette de 322 millions liée aux activités poursuivies durant le quatrième trimestre est essentiellement attribuable à des charges et à des provisions liées à certains litiges sur des projets déjà livrés et à la réévaluation des projets d’infrastructures CMPF.

Les revenus du groupe pour le 4e trimestre ont reculé de 300 millions, pour totaliser 1,7 milliard, alors que l’entreprise termine son année avec des revenus de 7 milliards, en baisse de 600 millions sur 2019.

« On a été affectés par la pandémie, il n’y a pas eu de croissance en 2020. Mais toutes nos activités liées aux services d’ingénierie et de gestion de projets, d’énergie nucléaire et de services d’infrastructures ont dégagé des marges bénéficiaires de l’ordre de 9 à 14 %. »

« On prévoit une légère croissance de nos revenus en 2021 parce qu’on ne sait toujours pas comment la COVID va nous affecter, mais on s’attend aussi à ce que les gouvernements mettent en branle des projets pour relancer l’activité économique », anticipe Ian Edwards.

Avec le délestage du secteur pétrole et gaz, les activités de SNC-Lavalin sont maintenant davantage concentrées au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis, là où les gouvernements misent beaucoup sur les travaux d’infrastructures.

SNC-Lavalin compte aussi réactiver sa division Mines et métaux, qui profitera de l’expansion des projets d’exploitation de minéraux stratégiques pour alimenter l’énergie verte.

« On veut miser sur l’expertise historique que SNC-Lavalin a développée dans le secteur minier, revenir sur les grands projets qui ont fait notre renommée », insiste le PDG.

Britannique d’origine, Ian Edwards a préféré ne pas commenter les révélations du prince Harry et de Meghan Markle faites à l’animatrice Oprah Winfrey.

« Je ne m’attendais pas du tout à cette question », a laissé tomber le PDG dans un éclat de rire.