Depuis sa nomination le mois dernier, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, s’est investi de la mission de reconstruire l’écosystème de l’industrie pharmaceutique canadienne, fortement affligée par des années de délocalisation, en cherchant à relancer d’abord le secteur de la biofabrication et la production de vaccins. Parce que c’est pierre par pierre qu’il faut rebâtir les fondations de la souveraineté médicale au pays.

Depuis un mois maintenant, le nouveau ministre multiplie les échanges avec les PDG de grosses sociétés pharmaceutiques mondiales pour les inciter à implanter des activités manufacturières au Canada via la conclusion de partenariats stratégiques.

La pandémie de COVID-19 et le pénible début de la campagne de vaccination — qui a été marqué dès le départ par des interruptions d’approvisionnement — ont mis bien en évidence la totale dépendance du Canada à l’égard des fournisseurs étrangers pour assurer l’immunisation souhaitée de sa population.

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La pandémie de COVID-19 et le pénible début de la campagne de vaccination ont mis bien en évidence la totale dépendance du Canada à l’égard des fournisseurs étrangers pour assurer l’immunisation souhaitée de sa population, indique notre chroniqueur.

Depuis la fin des années 1990, les grandes sociétés pharmaceutiques qui étaient implantées principalement dans les régions de Montréal et de Québec ont réduit de façon considérable leur empreinte manufacturière. Au gré de la consolidation de l’industrie, plusieurs usines de médicaments ont souvent changé de mains pour finalement cesser complètement leur production.

La réorganisation des chaînes d’approvisionnement, la délocalisation de la production de médicaments vers des pays à faible coût, principalement l’Inde et la Chine, ont réduit considérablement l’activité de biofabrication au Québec et au Canada, notamment notre capacité à produire de nouveaux vaccins.

C’est pourquoi, lorsque la pandémie a éclaté chez nous, il y a de cela tout près d’un an, il n’existait que deux seuls sites capables de produire des vaccins à grande échelle au pays, soit les anciens laboratoires Connaught à Toronto et ceux du groupe GSK à Québec qui n’étaient pas équipés pour produire le vaccin contre la COVID-19.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a décidé rapidement de financer à la hauteur de plus de 176 millions le groupe Medicago de Québec qui travaillait au développement d’un nouveau vaccin pour l’aider à achever les essais cliniques de son vaccin et la construction de sa nouvelle usine d’ici 2024.

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Les installations en construction du Conseil national de recherches du Canada, à Montréal

Parallèlement, Ottawa a signé une entente avec le groupe Novavax, dont le vaccin est en attente d’homologation, pour la production à grande échelle dans une nouvelle usine aménagée au coût de 126 millions dans les installations du Conseil national de recherches du Canada, à Montréal. Novavax a aussi reçu 44 millions du fédéral pour réaliser ses essais cliniques. La production de vaccins devrait débuter d’ici la fin de l’été.

« Ça, c’était le début. Partout dans le monde les chaînes d’approvisionnement se régionalisent. Il faut reconstruire notre écosystème de biofabrication et je travaille sans relâche pour qu’on y arrive le plus vite possible. Il faut tout rebâtir, de la production d’aiguilles et de lipides jusqu’aux adjuvants », m’a expliqué le ministre François-Philippe Champagne, entre deux rendez-vous virtuels avec des PDG de l’industrie pharmaceutique.

Partenariats stratégiques

Si le Canada a laissé son industrie pharmaceutique péricliter au fil des ans, la prise de conscience foudroyante que vient d’induire la pandémie de coronavirus l’a obligé à réagir de façon urgente.

« On a le capital humain et les centres de recherches universitaires qui peuvent soutenir l’industrie. Ce qu’on offre aux entreprises, c’est de participer financièrement à leur implantation et de les soutenir comme partenaires. »

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François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

On a de bons arguments. On a des traités de libre-échange qui leur ouvrent un marché de plus de 2 milliards de personnes. On ne mettra pas de barrières aux exportations. On va être des partenaires de long terme.

François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Le ministre se dit convaincu de pouvoir signer des ententes qui vont se traduire par des annonces d’implantations industrielles dans les prochains mois. Toute sa stratégie repose sur la rapidité d’exécution, la volonté d’agir et les avantages comparatifs que le Canada peut offrir.

« On a des infrastructures manufacturières que l’on peut rapidement transformer pour la production biopharmaceutique. On l’a fait avec Novavax et on va le faire avec d’autres gros acteurs », insiste le ministre.

Jusqu’à maintenant, son ministère a injecté 500 millions dans l’offensive de reconstruction de l’industrie pharmaceutique canadienne. Outre les investissements dans Novavax et dans Medicago, le gouvernement fédéral a aussi participé à la conversion de deux sites de production de vaccins à Vancouver et en Saskatchewan.

Selon le ministre, la réception des grandes sociétés pharmaceutiques lui permet de croire à la reconstruction prochaine d’une industrie qui sera capable d’assurer une plus grande souveraineté médicale et sanitaire au pays. D’autres initiatives pour assurer l’autosuffisance et la résilience de l’industrie pharmaceutique devront suivre cette première offensive qui vise pour l’instant à répondre au plus urgent.