Moins de duplex, moins de grands logements, plus d’unités dans de grandes tours locatives du centre-ville comportant des loyers élevés : le parc d’appartements montréalais se transforme, mais non sans créer des pressions sur le marché locatif du Plateau-Mont-Royal, de Rosemont et d’Hochelaga-Maisonneuve.

Ce constat, La Presse le tire d’une étude de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) publiée ce jeudi matin. L’analyse porte sur le phénomène des conversions d’immeubles locatifs en copropriétés indivises.

Le sujet est intéressant parce que la conversion en copropriété indivise reste un phénomène méconnu, car elle est moins encadrée que la conversion en copropriété divise, communément appelée condo.

Pour qu’un propriétaire convertisse son petit immeuble locatif de quatre logements (plex), par exemple, en copropriété divise (chaque copropriétaire détient individuellement son logement et une fraction des espaces communs), il devra passer par le Tribunal administratif du logement, l’ancienne Régie du logement. À Montréal, il y a un moratoire en place visant à empêcher ce genre de conversion.

La conversion indivise (trois copropriétaires, par exemple, qui détiennent chacun un tiers de la totalité du triplex, ce qui correspond à un logement chacun), en revanche, n’est pas soumise aux mêmes rigueurs administratives, d’où l’intérêt de l’étude de la SCHL de connaître l’ampleur du phénomène.

Entre 2011 et 2019, environ 4000 unités locatives ont changé de vocation pour devenir des copropriétés indivises.

Elles se concentrent dans les quartiers du Plateau-Mont-Royal, de Rosemont et d’Hochelaga-Maisonneuve. Dans ces secteurs, les unités touchées représentent moins de 2 % du parc locatif, mais leur nombre excède celui des nouveaux logements s’étant ajoutés au cours de la même période.

« Il pourrait s’en être suivi une pression à la baisse sur le taux d’inoccupation qui a compliqué la recherche de logements pour les ménages locataires », écrivent les auteurs Francis Cortellino et Lukas Jasmin-Tucci.

La SCHL constate cependant que le recours à la conversion s’est passablement essoufflé au fil des ans. La dernière grosse année remonte à 2012, avec 1000 unités en jeu. En 2019, les conversions ont touché 215 appartements seulement. Le phénomène des conversions en copropriétés divises (condos) suit en parallèle la même tendance baissière.

Les auteurs constatent que cet essoufflement coïncide avec le desserrement du marché de la revente de condos entre 2013 et 2015, suivi par la vague de nouveaux logements locatifs à compter de 2015.

Ces nouveaux logements se concentrent dans des tours de 100 logements et plus au centre-ville et dans Griffintown, principalement. Ces appartements commandent des loyers mensuels de près de 1500 $, environ 600 $ de plus que le loyer d’un logement de taille semblable dans un plex (immeuble de deux à cinq logements).

Disparition de 10 % des duplex

Il doit donc exister d’autres facteurs que les conversions en copropriété pour expliquer la baisse du taux d’inoccupation enregistrée à Montréal depuis 2015. « Cette baisse a d’ailleurs été observée à l’échelle de la région, y compris dans des zones où la conversion en copropriété était inexistante », fait remarquer la SCHL.

Un de ceux-ci pourrait bien être la disparition de 10 % du nombre de duplex (deux logements) sur le territoire montréalais. Bon nombre des 6000 duplex disparus ont été transformés en maisons unifamiliales. D’autres ont pu être démolis.

Mais les fins analystes de la SCHL ont aussi constaté qu’une portion non négligeable a sans doute été subdivisée pour transformer de grands logements en unités de plus petite taille. MM. Cortellino et Jasmin-Tucci ont noté que le nombre de triplex a augmenté de 700 unités dans le rôle d’évaluation municipale entre 2008 et 2020, alors qu’il ne s’en est à peu près pas construit.

« Le choix pour les locataires n’est plus le même qu’auparavant, avance la SCHL. [Ses] observations laissent présager qu’il y a maintenant moins de logements pour les ménages de plus grande taille, mais plus pour ceux de taille plus petite. »