Depuis lundi, une nouvelle loi permet à tous les Québécois de consulter leur dossier de crédit gratuitement en ligne, de pouvoir y faire ajouter des mentions et éventuellement de le faire geler s’ils se croient victimes de fraude. Adoptée en réponse aux fuites de données chez Desjardins en 2019, la loi confie aussi à l’Autorité des marchés financiers (AMF) la mission d’encadrer les pratiques des agences de crédit.

« La possibilité qu’aura désormais un citoyen de faire geler son crédit ou d’activer une alerte de sécurité constitue une avancée majeure qui lui permettra de mieux gérer son dossier de crédit et, par le fait même, sa réputation financière », réagit Fanie St-Pierre, conseillère, relations publiques et communications sociétales à l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (OCPAQ).

En plus de faire surveiller les agences de crédit comme Equifax et Transunion par l’Autorité des marchés financiers, la loi prévoit trois grandes mesures pour permettre de prévenir la fraude.

La mesure la plus musclée est le gel de sécurité. Un citoyen qui se croit victime de fraude et qui a activé cette mesure empêche donc son dossier de crédit d’être utilisé par les institutions financières et les entreprises de télécommunications pour y ouvrir un nouveau compte.

Le gel de sécurité n’est pas encore entré en vigueur parce que le gouvernement veut laisser le temps aux agences de crédit de mettre en place une façon de faire. Il n’y a pas de délai précis pour sa mise en application.

Un citoyen peut aussi faire ajouter une note explicative à son dossier pour exprimer son point de vue sur les informations qu’il contient. « Ceci permettra aux entreprises qui reçoivent le dossier de considérer le point de vue de cette personne avant de prendre des décisions à son égard », explique Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF.

Alerte de sécurité

Il est aussi possible de faire activer une alerte de sécurité. Lorsqu’elle est en vigueur, quiconque se sert d’un dossier de crédit devra procéder à des vérifications additionnelles pour confirmer qu’il s’agit bien de la bonne personne associée au dossier qui a fait une demande.

Les deux premières mesures doivent être offertes gratuitement par les agences de crédit autorisées par l’AMF. Elles pourront facturer des « frais raisonnables » pour l’activation du gel de sécurité.

Plusieurs groupes, comme l’OCPAQ, Option consommateurs et l’Union des consommateurs, sont inquiets que les frais demandés pour le gel de sécurité aient un effet dissuasif sur son utilisation et que la loi n’aille pas assez loin dans la protection des consommateurs.

C’est finalement assez limité comme loi.

Alexandre Plourde, avocat chez Option consommateurs

M. Plourde déplore que la « pièce de résistance » de la loi, soit le gel de sécurité, ne soit pas encore applicable et que les autres mesures apportent peu de protection additionnelle aux consommateurs.

Il explique que l’alerte de sécurité existait déjà et que les agences de crédit offraient déjà aux citoyens de consulter leur dossier de crédit en ligne gratuitement depuis le début de la pandémie.

L’OCPAQ aurait voulu que les citoyens soient informés du moment qu’un dossier de crédit est ouvert à leur nom chez une agence de crédit et que le droit à l’exactitude des informations dans leur dossier de crédit soit reconnu.

Un encadrement resserré

L’AMF a annoncé mardi qu’elle accréditait les deux entreprises américaines Equifax et Transunion comme les deux seuls agents d’évaluation du crédit dans la province.

« Pour le moment, il n’y a que les deux agents désignés qui répondent aux critères de la loi, soit l’importance de leur commerce avec les institutions financières ou les banques, explique Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF. L’Autorité n’anticipe pas de nouvelle désignation à court terme, mais s’assurera de surveiller adéquatement ce secteur afin d’identifier tout nouvel acteur qui pourrait rencontrer ce critère. »

L’AMF est désormais responsable de gérer les plaintes des citoyens contre les agences de crédit. Elle peut mener des inspections, enquêter sur les agences et sévir contre elles dans le cas de mauvaises pratiques.