Si l’entrée en fonction du président américain Joe Biden a sonné la fin des travaux de construction de l’oléoduc Keystone XL, ce qui est un coup dur pour l’économie albertaine, les perspectives sont tout autres chez nous, où Hydro-Québec pourrait entreprendre rapidement la construction d’une nouvelle ligne de transmission et alimenter la ville de New York en énergie propre et renouvelable, un rêve que n’a cessé de caresser l’ancien premier ministre Robert Bourassa.

Il y a plus de 30 ans, en janvier 1988, Robert Bourassa annonçait la signature d’une entente de principe entre Hydro-Québec et l’État de New York pour la vente et l’exportation de 1000 mégawatts d’électricité pour une durée de plus de 20 ans, un contrat de plus de 17 milliards.

Pour des raisons protectionnistes de la part des producteurs locaux d’énergie et d’acceptabilité sociale – notamment le contentieux avec les Cris de la Baie-James –, l’entente ne s’est jamais matérialisée.

L’élection d’un nouveau président démocrate n’a rien à voir avec l’embellie des perspectives d’expansion d’Hydro-Québec aux États-Unis, c’est plutôt l’engagement ferme du gouverneur Andrew Cuomo de « décarboniser » l’économie de l’État de New York qui ouvre ainsi les horizons à notre société d’État.

La semaine dernière, l’État de New York a officiellement lancé des appels d’offres pour la réalisation de trois projets de lignes de transmission d’énergie renouvelable, dont une ligne qui relierait le réseau de l’État américain à celui d’Hydro-Québec.

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L’État de New York veut relier son réseau local d’électricité à celui d’Hydro-Québec.

Cet État voisin a adopté il y a quelques années des lois environnementales strictes qui prévoient que l’électricité utilisée sur son territoire doit être d’ici 2030 à 70 % renouvelable. L’objectif étant d’éliminer le maximum d’énergie fossile pour combler ses besoins internes.

Pour arriver à ses objectifs, l’État de New York souhaite multiplier l’utilisation de l’énergie éolienne et solaire, mais a aussi admis l’hydroélectricité comme source d’énergie renouvelable. Le fabricant québécois de tours d’éoliennes Marmen a d’ailleurs annoncé la semaine dernière qu’il allait implanter une usine d’assemblage de tours offshore à Albany pour satisfaire les ambitions de l’État.

D’ici à ce que les parcs d’énergie éolienne que l’on souhaite mettre en place au large des côtes de l’Atlantique deviennent significativement contributifs dans le bilan énergétique de l’État de New York, l’hydroélectricité présente un avantage nettement plus intéressant et immédiat.

Surtout pour la ville de New York, qui dépend à plus de 70 % des combustibles fossiles pour combler ses besoins en électricité. Avec la fermeture prochaine de la centrale nucléaire Indian Point, les besoins de la mégalopole en électricité propre vont devenir plus criants encore.

Un rêve aussi américain

On se souvient qu’il y a bientôt deux ans, le maire de New York, Bill de Blasio, avait lancé un appel à Hydro-Québec en affirmant qu’il souhaitait conclure une entente d’approvisionnement à long terme avec le producteur québécois d’énergie propre.

L’appel d’offres que vient de lancer l’État pourra donc permettre au maire de la plus importante ville américaine de concrétiser son rêve de décarboniser à 100 % ses besoins en électricité. Selon la commission des services publics de l’État de New York, l’appel d’offres doit être conclu d’ici le 16 février, et les résultats finaux seront connus au cours du troisième trimestre de l’année.

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Le maire de New York, Bill de Blasio, aimerait voir sa ville utiliser de l’énergie renouvelable à 100 %.

Au cours des deux dernières années, la délégation du Québec à New York a travaillé sans relâche, de concert avec Hydro-Québec, pour convaincre tous les acteurs importants de la fiabilité et de la crédibilité de l’hydroélectricité comme source d’énergie renouvelable.

Avec ses surplus abondants, Hydro-Québec a largement les capacités pour répondre à la demande de l’État de New York.

La société d’État est déjà associée au groupe américain Transmission Developers, une division du groupe d’investissement Blackstone, dans un partenariat pour construire la Champlain Hudson Power Express Line.

Cette ligne de transmission sera capable de livrer jusqu’à 1200 mégawatts d’électricité et ses câbles seront enfouis sur l’essentiel du territoire américain, notamment dans le lac Champlain et le fleuve Hudson.

Hydro-Québec vend déjà de l’électricité à l’État de New York, mais essentiellement sur le marché spot (marché libre). Il s’agira donc d’un contrat de vente ferme d’électricité à cet État populeux. La société d’État a déjà signé un contrat de vente ferme d’électricité avec le Vermont et a conclu une nouvelle entente de vente ferme avec le Massachusetts, semblable à celle qu’elle souhaite conclure avec New York.

« La différence entre un contrat de vente ferme et de vente spot, c’est que l’écart de prix est significatif. Quand je vends sur le marché spot, le marché ne reconnaît pas les attributs environnementaux de l’hydroélectricité, je vends au même prix que n’importe quel type d’énergie fossile.

« Quand on réalise une vente ferme, c’est qu’on veut payer pour de l’énergie propre et renouvelable », m’explique Dave Rhéaume, directeur principal, développement, stratégies et relations commerciales hors Québec. Mine de rien, Hydro pourra obtenir 60 % de plus pour ses ventes fermes à l’exportation qu’elle en reçoit sur les ventes actuelles qu’elle réalise sur le marché spot.

Contrairement à Keystone XL, qui a perdu mercredi le permis présidentiel qui lui permettait de poursuivre les travaux de construction de son pipeline pour relier l’Alberta au Texas, Hydro-Québec ne risque pas de perdre le permis présidentiel qu’elle a déjà en poche, puisque le nouveau président démocrate souhaite lui aussi décarboniser le secteur énergétique américain. C’est une belle prévisibilité qui se présente pour notre société d’État.