Les banques canadiennes marchent dans les traces de BlackBerry et ce n’est pas une bonne nouvelle.

À l’époque où j’étais journaliste économique, j’ai été aux premières loges du déclin de BlackBerry.

BlackBerry avait lancé sa boutique d’applications mobiles en 2009, soit un an après le lancement de l’App Store par Apple.

Tout le monde connaît le reste de l’histoire.

Alors que les dirigeants de BlackBerry se félicitaient d’offrir une meilleure qualité sonore, ce que les gens voulaient avoir, en achetant un téléphone, c’était des applications.

Aujourd’hui, les banques canadiennes sont en train de faire la même erreur en refusant de remettre le contrôle des données financières dans les mains de leurs utilisateurs.

C’est un enjeu qui me tient tout particulièrement à cœur en tant que PDG de Hardbacon, une fintech québécoise dont l’application permet aux utilisateurs de connecter leurs comptes pour faire un budget, un plan ou encore suivre leurs investissements.

Nos utilisateurs peuvent déjà synchroniser leurs données des institutions financières canadiennes avec l’application que nous offrons, mais pour y arriver, nous devons travailler avec plusieurs fournisseurs, et le processus est plus coûteux, plus complexe et moins stable qu’il le serait si le Canada avait emboîté le pas à l’Europe.

En effet, depuis 2019, la réglementation européenne en matière d’open banking (PSD2) force les banques à permettre à leurs clients de partager leurs données avec des tiers selon un protocole standardisé.

Au Canada, le gouvernement fédéral a créé le Comité consultatif sur un système bancaire ouvert en 2018, qui a livré un premier rapport en 2020 très favorable à l’open banking. Le rapport énumérait les nombreux avantages d’une telle approche, dont la sécurité accrue des données et l’accélération de l’innovation dans le secteur des services financiers.

Le comité a ensuite mené des consultations publiques, dont les résultats n’ont pas encore été dévoilés au moment d’écrire ces lignes. Pendant ce temps, les banques canadiennes attendent patiemment un éventuel cadre réglementaire pour agir.

Cette lenteur est d’autant plus déplorable que les banques canadiennes ne seront pas les seules victimes de ce retard.

Les victimes collatérales sont les entreprises de technologies financières canadiennes comme la nôtre et les consommateurs.

Les banques canadiennes ont pourtant prouvé qu’elles pouvaient être agiles au courant des derniers mois, notamment en autorisant la signature de documents électroniques.

Plutôt que d’attendre de perdre leurs parts de marché aux mains de néo-banques comme Revolut ou Wealthsimple, les banques canadiennes ont tout intérêt à être proactives et à embrasser l’open banking.

La première étape serait bien entendu de mettre en place un protocole technologique permettant à leurs clients de partager leurs données avec des fintechs.

Par contre, elles ne devraient pas s’arrêter là. Les banques canadiennes devraient également lancer leur propre boutique d’applications, ce qui leur permettrait d’offrir toutes sortes de services sur leur portail bancaire.

Bien entendu, je serais partant pour faire de Hardbacon l’une des premières applications proposées par un portail bancaire canadien.

Finalement, l’open banking ne devrait pas se limiter aux banques. En Europe, PSD2 ne s’applique pas aux données de comptes d’investissements ou aux données liées aux polices d’assurance. Or, ces données sont plus complexes que les données bancaires, ce qui rend leur transmission numérique encore plus importante.