Si 2020 a été une année particulièrement difficile pour les investissements dans les entreprises en démarrage, l’année qui s’amorce s’annonce riche en possibilités, estime Geneviève Tanguay, nouvelle PDG d’Anges Québec, mouvement qui regroupe plus de 230 investisseurs qui ont injecté quelque 20 millions dans une cinquantaine de jeunes entreprises québécoises en 2020.

Vous avez été nommée PDG d’Anges Québec en novembre dernier. D’où venez-vous et qu’est-ce qui vous a amenée à diriger ce mouvement d’anges investisseurs fondé il y a une dizaine d’années ?

J’ai passé 15 ans au Fonds de solidarité dans l’écosystème du capital de démarrage. Lorsque j’ai débuté à 24 ans, j’étais la plus jeune de l’équipe de placement, et lorsque je suis partie à 39 ans, j’étais encore la plus jeune. Ç’a été une école formidable où j’ai pu apprendre avec des mentors extrêmement compétents.

Puis j’ai fait durant deux ans du développement corporatif au groupe santé Biron avant d’arrêter de travailler durant sept mois avec le début de la COVID-19, en mars dernier, pour rester avec mes trois jeunes enfants.

Anges Québec m’a recrutée pour remplacer le fondateur et PDG sortant François Gilbert, et je suis entrée en fonction le 2 novembre dernier. Anges Québec est un groupe unique, un catalyseur de capital à valeur ajoutée pour les entreprises en démarrage.

Est-ce qu’on vous a donné un mandat particulier pour transformer l’organisation ?

Anges Québec est déjà le plus gros et le plus structuré des réseaux d’anges investisseurs au Canada, avec ses 230 membres qui sont engagés à investir dans des entreprises innovantes et à faire partager leur expérience d’entrepreneur ou de professionnel.

On veut instaurer un leadership collaboratif et nous ouvrir à la diversité. Je suis la première femme PDG et c’est aussi une femme, Ginette Mailhot, qui est la présidente du conseil.

On a eu un entrepreneur comme fondateur qui a donné sa force au réseau. Là, on veut élargir notre portée afin d’offrir les meilleures thèses d’investissement à nos membres. On souhaite atteindre le seuil des 350 membres d’ici trois ans et bâtir une masse critique d’investisseurs dans le plus grand nombre possible de secteurs d’activité.

On entre en planification stratégique le 15 janvier et on veut revoir notre modèle d’affaires.

Quel est le profil de vos membres et quelles sont leurs attentes ?

Nos anges investisseurs sont des entrepreneurs qui ont réalisé leur sortie ou des professionnels qui souhaitent transposer leur expérience dans une nouvelle plateforme. Un bel exemple est celui de la famille Chevalier, qui vient de vendre Bio-K et qui s’est jointe récemment à Anges Québec pour investir dans de nouvelles entreprises et faire partager son savoir-faire.

Habituellement, les placements réalisés par Anges Québec dans une entreprise s’élèvent en moyenne à 450 000 $, et ils sont réalisés par une dizaine de membres, ce qui fait une moyenne de 45 000 $ par personne. Nos membres réalisent en moyenne une dizaine d’investissements dans autant de projets, de façon à répartir le risque.

Certains anges vont décider d’investir plus et certains vont choisir de siéger au conseil d’administration des entreprises dans lesquelles ils investissent.

Nos membres se joignent à Anges Québec pour trois raisons : les occasions d’investissement, la volonté d’apprendre à mieux comprendre le métier d’investisseur et, enfin, pour faire partager leur expérience dans un esprit collaboratif.

En cette sortie attendue de pandémie, est-ce un bon temps pour investir ?

On entre dans une année charnière. Je pense qu’on va voir émerger de grandes occasions d’investissement, comme cela arrive souvent en sortie de crise. C’est dans la foulée de la crise de 2008 que sont nés Netflix, Airbnb ou Uber.

Au troisième trimestre de l’an dernier, les investissements en démarrage ont chuté de 70 % parce que le processus était en transformation. Aujourd’hui, on est capables d’opérer à 100 % de façon virtuelle et les occasions d’investir dans des entreprises innovantes vont être nombreuses au cours des prochains mois.

Pourquoi une entreprise plutôt qu’une autre est-elle retenue comme thèse d’investissement valable par vos membres ?

On fait du financement de démarrage, c’est-à-dire que l’on finance des entreprises avant qu’elles ne réalisent des revenus. C’est donc la qualité du leadership qui prime. Ensuite, il faut évidemment que l’entreprise soit innovante dans son secteur et qu’elle puisse avoir un rayonnement international.

L’entreprise BonLook en est un exemple parfait. C’est une entreprise qui œuvre dans un secteur traditionnel, mais qui a développé une plateforme innovante. On était là avec eux depuis leurs débuts.

Sur la cinquantaine d’investissements que nous réalisons par année, il y en a une trentaine qui sont des financements de démarrage de première ronde. On réalise également une vingtaine de refinancements de croissance chaque année dans des entreprises qui ont commencé à générer des revenus.

Vous êtes épaulés par de grands investisseurs institutionnels qui ont créé Anges Québec Capital, un fonds d’investissement commandité par Investissement Québec, la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité, qui a participé financièrement à plusieurs de vos investissements. Qu’en est-il de cette collaboration ?

Le fonds Anges Québec Capital a été fermé l’an dernier après avoir investi plus de 80 millions dans différentes entreprises où nos membres étaient actionnaires. Nos partenaires institutionnels partagent nos thèses d’investissement.

On prévoit lancer un nouveau fonds Anges Québec Capital II d’ici la fin du premier trimestre de cette année avec un objectif de 60 à 80 millions.

Le fonds Anges Québec Capital est géré de façon distincte d’Anges Québec, mais il est là comme levier pour doubler la taille des investissements de nos membres dans les entreprises qui affichent un bon potentiel de croissance.