Des donateurs anonymes permettent à une famille de récupérer sa maison

La mère d’un jeune homme lourdement handicapé a reçu un extraordinaire cadeau de Noël à l’avance, en novembre. Un groupe de gens d’affaires anonymes a rassemblé 200 000 $ pour lui permettre de racheter sa maison, qu’elle croyait perdue dans la faillite douteuse de Bel-Habitat.

Le promoteur avait construit la maison de la famille Kassam à 80 %, mais ne détenait toujours pas le terrain. En juillet, après le dépôt de bilan, les propriétaires l’ont vendu à quelqu’un d’autre avec la demeure dessus, sans aviser le syndic.

La famille avait pourtant déjà investi 78 000 $ dans la construction. Pour l’aider à récupérer la maison, des donateurs en contact avec le cabinet responsable du dossier, Raymond Chabot, ont mis entre 2000 et 30 000 $ chacun pour aider la famille Kassam à racheter sa maison. Ils avaient pris connaissance de leurs déboires dans un article de La Presse en septembre.

Lisez l’article « La future maison d’une famille revendue dans le dos du syndic »

La mère de famille, Miriam Kassam, n’en revient tout simplement pas du geste que ces donateurs ont fait. « Ce sont comme des anges. Je ne m’attendais pas du tout à ça, dit-elle. Nous sommes très reconnaissants. »

La paralysie cérébrale et l’épilepsie clouent son fils de 20 ans dans un imposant fauteuil roulant électrique. Sa future maison de la 57Avenue, à Laval, lui permettra de prendre soin de lui dans un espace beaucoup mieux adapté que son cinq-pièces du quartier Côte-des-Neiges à Montréal, avec l’aide de sa fille de 13 ans.

« Honteux »

Nous avons contacté l’instigateur de cette collecte de fonds pour savoir ce qui l’a poussé à aider la mère, son mari, sa fille et son fils. Il a cependant demandé l’anonymat, comme tous les autres donateurs rassemblés pour amasser les fonds. « On choisit les causes pour lesquelles on verse, explique-t-il. On ne cherche pas la publicité pour être sollicités et recevoir plein de demandes. »

Même s’il n’a rien à voir avec Bel-Habitat, l’« ange » de la famille s’est senti directement concerné par son drame.

Je gagne ma vie en faisant des projets immobiliers, et je trouvais ça honteux. J’avais beaucoup de difficulté à rester indifférent.

Le donateur anonyme instigateur de la collecte de fonds

Il a donc contacté le syndic au dossier de Bel-Habitat, Jean Gagnon, pour voir comment il pouvait aider la famille Kassam.

« On travaille très fort, mais je pense qu’on est privilégiés, admet-il. Les gens pensent que ce domaine-là est rempli de voleurs… C’est une autre partie de l’histoire qui m’a interpellé. »

Une revente en douce

Le couple qui détenait le terrain où se trouve la maison a décidé de le revendre à un membre de sa famille pour 200 000 $, même si Bel-Habitat avait déjà réalisé des travaux d’une valeur de 293 440 $ sur la propriété. L’acheteur a ainsi mis la main sur une demeure de près d’un demi-million pour moins de la moitié de sa valeur, même si le syndic de faillite avait une offre d’achat en bonne et due forme sur le lot.

Les Kassam ont donc perdu l’argent investi dans leur nouvelle demeure. La famille n’a récupéré qu’une indemnisation de 50 000 $ du plan de garantie.

Pour les sortir de cette impasse, il fallait racheter le terrain, payer les entrepreneurs pour les travaux déjà accomplis et faire terminer la maison. Budget total : 400 000 $, dont la moitié est venue des « anges » de la famille Kassam.

Celui qui a rassemblé les donateurs – et lui-même déboursé 30 000 $ – se dit dégoûté par le sort réservé aux 118 familles qui comptaient sur Bel-Habitat pour construire leurs maisons. Elles ont perdu des acomptes totalisant plus de 17 millions, confiés à l’entreprise et à son patron Luc Perrier.

Parmi elles, la famille de Miriam Kassam représente le comble, dit-il. « C’est une aidante naturelle, avec son fils qui est en chaise roulante, complètement hypothéqué… Ils ont une fille de 13 ans… Pour une fois, ils avaient une maison adaptée à leur garçon ! »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Ahlaam Kassam, Ahyaad Kassam et Miriam Kassam

Comme de nombreux autres consommateurs floués dans la faillite de Bel-Habitat, les Kassam sont aussi des immigrants, note-t-il. Dans leur cas, ils sont venus de Tanzanie en 2003. « C’est des gens qui ont tout laissé derrière eux pour s’en venir ici, et par-dessus ça, on leur vole leurs économies », dénonce-t-il.

Énorme soulagement

De son côté, Miriam Kassam tient à lui transmettre un message.

On se souviendra pour toujours du temps que vous avez investi et de l’aide que vous nous avez donnée. Vous avez retiré un énorme poids de nos épaules. Notre famille vous remercie et nous prierons pour vous pour le reste de nos vies.

Miriam Kassam

Elle a aussi de bons mots pour le syndic Jean Gagnon. C’est lui qui tient le dossier à bout de bras pour s’assurer que les créanciers – incluant les consommateurs frustrés – perdent le moins possible dans le désastre, souligne-t-elle.

« Il était toujours là quand j’avais besoin de réponses, dit Miriam Kassam. Lui et son équipe ont fait un travail extraordinaire avec mon dossier. »

Le don à la famille permettra d’ailleurs au syndic d’abandonner le recours qu’il avait pris contre les vendeurs et l’acheteur du terrain, puisque l’aide des donateurs permettra d’en arriver à une solution négociée.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte mentionnait à tort que les clients ont perdu des dépôts totalisant plus de 117 millions. Le montant des acomptes perdus est plutôt de 17 millions. Nos excuses.