L’Autorité des marchés financiers demande des améliorations aux assureurs

En assurance maladies graves, une demande d’indemnité sur cinq est refusée. Le consommateur qui veut souscrire une telle assurance peut difficilement comparer les polices et ne comprend pas toujours les caractéristiques du produit qu’il achète.

Ce sont quelques-uns des constats de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans son Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves, remis à la mi-décembre.

L’organisme y relève les carences de l’industrie et demande aux assureurs d’apporter des améliorations pour que le consommateur soit traité équitablement.

L’assurance maladies graves verse une indemnité si l’assuré est atteint d’une maladie respectant la définition et les conditions portées au contrat.

L’AMF s’est penchée sur ce produit en raison de sa complexité intrinsèque.

« Il y a également eu des plaintes et certaines situations qui sont ressorties dans les médias et ont capté l’attention de l’Autorité », souligne Véronique Martel, coordonnatrice experte en surveillance et contrôle des institutions financières.

L’AMF a envoyé des requêtes d’information à 22 assureurs qui représentent près de 95 % des parts de marché et a mené des entrevues auprès de représentants d’assureurs.

Le rapport public a vraiment été axé sur le consommateur. Notre objectif était de démystifier le produit et d’axer toutes les recommandations sur une meilleure compréhension.

Véronique Martel, coordonnatrice experte en surveillance et contrôle à l’AMF

L’AMF a également fait parvenir à certains assureurs des rapports privés concernant les éléments spécifiques qu’ils auront à corriger.

L’un des obstacles qu’affrontent les consommateurs est la difficulté à comparer des polices rédigées dans un vocabulaire abscons et qui peuvent différer considérablement d’un assureur à l’autre.

L’AMF a répertorié une trentaine de maladies qui pouvaient être couvertes – ou non – à divers degrés. S’y ajoute l’opaque couche de complexité des limitations, exclusions et délais de carence.

Quelques chiffres

Primes souscrites en assurance maladies graves au Québec : 510 millions par année*

Primes totales en assurance de personnes : 17 milliards par année*

* Moyenne annuelle des données publiées par l’Autorité aux rapports annuels sur les institutions financières de 2016, 2017 et 2018

Recommandations

L’AMF demande notamment aux assureurs de cesser de créer de la confusion chez le consommateur avec leur documentation ou leur publicité – son rapport donne l’exemple des statistiques sur la prévalence de certaines maladies.

« L’information reliée à ces statistiques peut laisser penser au consommateur qu’il a une probabilité plus grande d’être couvert relativement à une maladie en particulier, alors que dans les faits, la couverture n’est pas nécessairement identique à la statistique », soulève Véronique Martel.

Le rapport de l’AMF révèle que 20 % des demandes d’indemnité sont refusées par les assureurs, alors qu’un taux de refus supérieur à 10 % devrait inciter un assureur à s’interroger sur ses causes.

Plus de 60 % des refus sont liés aux limitations ou exclusions, aux antécédents médicaux, au non-respect de la définition et aux délais de carence.

Pour l’AMF, ces données démontrent nettement la nécessité de transmettre une information pertinente et complète au consommateur, dans un langage accessible. Elle invite les assureurs à créer des outils à cette fin.

L’AMF leur demande encore de mettre en place des moyens de communication et d’information après l’achat, afin que l’assuré comprenne mieux ses droits et obligations et qu’il puisse les exercer au moment opportun.

Enfin, l’organisme recommande d’outiller davantage les réseaux de distribution pour conseiller adéquatement les clients et faciliter le processus de demande d’indemnité et de règlement des différends.

L’AMF a profité de ses travaux pour renouveler sa page d’information sur l’assurance maladies graves.

« On a travaillé de concert avec l’équipe qui enrichit le site web de l’Autorité, et on s’est demandé quelles étaient les informations que le consommateur devait avoir pour procéder à l’achat de ce produit », expose Véronique Martel.

L’AMF pourrait faire mieux

« Pour moi, ils ne vont pas assez loin », affirme Denis Preston, chargé de cours à HEC Montréal en planification financière.

« Ça fait longtemps qu’on sait qu’il y a des problèmes avec ce produit-là. »

Les cinq recommandations du rapport constituent à ses yeux « un minimum ». Les constats de l’AMF à l’endroit des assureurs constituent « la pointe de l’iceberg », dit-il.

« J’aurais honte de mettre sur le marché un produit qui ne marche pas dans 20 % des cas », formule le spécialiste, en référence au taux de refus d’indemnité. « Il n’y a pas un vendeur de voitures usagées qui survivrait avec un taux comme ça. »

S’il se réjouit de la refonte du site de l’AMF, il souhaiterait que l’organisme place clairement l’assurance maladies graves dans la liste des priorités d’assurances et d’épargne du consommateur. C’est-à-dire tout en bas.

Consulter La nouvelle page de l’AMF sur l’assurance maladies graves