Le gouvernement fédéral semble n’avoir tiré aucune leçon de la pandémie de COVID-19 en continuant d’accorder des contrats à des fournisseurs étrangers pour l’obtention d’équipement de protection personnelle au lieu de favoriser l’achat local.

La Presse a révélé lundi que la Chambre des communes distribue aux députés, à leurs adjoints et aux employés de la colline depuis quelques semaines des masques fabriqués en Chine. Or, des entreprises canadiennes ont investi des millions de dollars pour assurer une production locale d’équipement de protection personnelle depuis 20 mois, répondant ainsi à un appel à la mobilisation lancé par le premier ministre Justin Trudeau au plus fort de la pandémie, en mars 2020.

Ces révélations ont provoqué l’ire de députés de l’opposition, tandis que des ministres du gouvernement Trudeau ont continué de plaider l’urgence d’acheter ces produits alors que la production locale était déficiente.

Elles ont aussi piqué au vif des dirigeants d’entreprise qui ont répondu à l’appel du pied du premier ministre, sans qu’Ottawa leur achète un seul produit.

Lundi, Cliff Latincic, dirigeant de La Manufacture Finnie Ltée, qui a pignon sur rue à Lacolle, au Québec, et qui a aussi investi dans la production d’équipement de protection personnelle, a ajouté sa voix au concert d’indignation en affirmant que le gouvernement fédéral risquait de nouveau d’être mal préparé en ayant recours à des fournisseurs étrangers pour de tels produits.

Il avait d’ailleurs exprimé son désarroi face à cette situation dans une lettre qu’il avait fait parvenir à des élus fédéraux le 19 octobre.

« Je me serais attendu à ce que notre pays ait appris compte tenu des difficultés vécues au début de la pandémie de l’importance de pouvoir produire nos propres équipements de protection individuelle sans dépendre directement de producteurs étrangers », affirme M. Latincic dans sa missive aux élus. Il a fait parvenir cette lettre à La Presse lundi.

« Il est décevant d’apprendre que des entrepreneurs canadiens ont investi leur capital personnel afin de pouvoir fabriquer des masques et que ces équipements demeurent inutilisés. Qui plus est, il semble inefficace que Santé Canada utilise ses ressources pour examiner et approuver les masques pour que par la suite, en tant que pays, nous ne les achetions pas », ajoute-t-il du même souffle.

« Un affront »

Selon Cliff Latincic, il est tout à fait essentiel d’avoir des entreprises locales capables de produire ces précieux équipements en temps de crise sanitaire. « Il semble n’y avoir aucun intérêt de la part de notre gouvernement pour la production nationale d’équipement de protection personnelle », a-t-il aussi déploré dans un courriel à La Presse.

« C’est un affront à notre pays », a déclaré pour sa part Barry Hunt, président de la société Prescient de Cambridge, en Ontario, au sujet des masques fabriqués en Chine qui sont remis aux élus fédéraux. Son entreprise a investi plus de 2 millions de dollars pour se lancer dans la production d’un masque de protection innovateur et respectueux de l’environnement, le NanoMask, qui épouse parfaitement le visage et facilite la respiration.

M. Hunt, qui est aussi président de la Canadian Association of PPE Manufacturers (CAPPEM), qui rassemble une vingtaine d’entreprises désireuses de créer une nouvelle grappe industrielle, est d’autant plus furieux que les entreprises qui ont répondu à l’appel du premier ministre Justin Trudeau se trouvent aujourd’hui complètement écartées des contrats gouvernementaux pour les prochaines années.

C’est que le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement a conclu des contrats à long terme avec deux multinationales pour la fabrication de ces équipements.

Un contrat d’approvisionnement d’une durée de cinq ans totalisant 250 millions de dollars a été accordé à la multinationale américaine 3M pour des masques de protection respiratoire N95.

Un autre contrat d’une durée de 10 ans a été accordé à Groupe Medicom, fournisseur international d’équipements médicaux établi à Montréal, pour des masques N95 et des masques chirurgicaux à boucles-attaches de niveau 3. Ce contrat est d’une valeur de 113 millions de dollars pour les trois premières années. Les prix doivent être renégociés ensuite pour le reste du contrat.