(Ottawa) L’ambassadeur de Chine au Canada appelle le gouvernement fédéral à ignorer les avertissements « inventés » des États-Unis à propos de Huawei et à autoriser la participation du géant chinois des télécommunications aux réseaux 5G du pays.

L’ambassadeur Cong Peiwu a fait ces commentaires lors d’une large discussion mardi au cours de laquelle il a également mis en garde le Canada contre tout contact officiel avec Taïwan et a fustigé les États-Unis pour un boycottage diplomatique prévu des prochains Jeux olympiques d’hiver.

La discussion organisée par le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale survient alors que le gouvernement libéral semble sur le point de décider enfin si Huawei sera autorisé à participer au réseau internet 5G de prochaine génération alimenté par l’intelligence artificielle.

Le Canada est le seul membre de la soi-disant alliance de partage de renseignements Five Eyes – dont les membres comprennent les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – qui n’a pas encore annoncé de décision malgré des années d’études et d’examens de sécurité.

Les quatre autres pays ont tous interdit ou restreint l’implication de Huawei dans leurs propres réseaux, citant des inquiétudes selon lesquelles autoriser l’équipement de l’entreprise dans leurs réseaux de données mis à niveau pourrait les rendre plus vulnérables à l’espionnage chinois.

M. Cong a riposté contre de telles préoccupations lors d’une discussion organisée par le groupe de réflexion CIGI établi à Waterloo, en Ontario, décrivant les avertissements américains concernant Huawei comme un « stratagème » destiné à nuire à Huawei et à d’autres entreprises chinoises.

Aucune « preuve concrète » d’une menace à la sécurité

Au fil des ans, divers rapports ont fait état des inquiétudes concernant les équipements Huawei, notamment en Europe et en Afrique, mais l’ambassadeur a maintenu qu’il n’y avait aucune « preuve concrète » que Huawei représente une menace pour la sécurité.

« C’est inventé par les États-Unis, a déclaré l’ambassadeur Cong. Et le but principal est de sévir contre Huawei. »

M. Cong a poursuivi en accusant les États-Unis eux-mêmes d’être la « plus grande menace » en matière d’espionnage, y compris de ses propres alliés. Washington a été accusé à plusieurs reprises au cours des années d’espionnage de hauts responsables politiques européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel.

« Ce sont les États-Unis qui ont fait ce genre de choses au cours des dernières décennies, a-t-il déclaré. Même en surveillant leurs alliés, leur principal allié. C’est donc cela la plus grande menace pour le monde. »

Le gouvernement canadien a retardé sa décision au sujet de Huawei parce que la Chine avait jusqu’à récemment emprisonné deux Canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, dans ce qui a été largement considéré comme des représailles pour l’arrestation par le Canada de la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou.

Mais une décision est désormais attendue après la libération des « deux Michael » en septembre après plus de 1000 jours de prison en Chine. Leur libération est survenue après que les autorités américaines ont abandonné leurs poursuites contre Meng Wanzhou pour des allégations de fraude.

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a signalé que le gouvernement pourrait rejeter Huawei en tant que fournisseur 5G lorsqu’il a déclaré à La Presse Canadienne le mois dernier que le gouvernement ne voulait traiter qu’avec des « partenaires de confiance » dans les futures entreprises d’intelligence artificielle.

L’internet de cinquième génération – ou 5G – s’appuiera sur une informatique en nuage basée sur l’intelligence artificielle qui devrait transformer la vie quotidienne, permettant des voitures autonomes et des soins médicaux automatisés, y compris des chirurgies.

Une décision d’affaires

M. Cong, qui a insisté sur le fait qu’il s’agit d’une entreprise privée et non d’une branche du gouvernement chinois comme certains l’ont soutenu, a déclaré qu’il espérait que le Canada « prendrait seul sa décision et n’écouterait pas l’opinion des États-Unis ».

Il a ajouté que la décision concernant Huawei devrait être fondée sur les affaires et non sur la sécurité nationale, et a averti que le rejet de Huawei pourrait nuire à la position du Canada parmi les investisseurs étrangers en tant qu’environnement commercial accueillant.

Alors que Huawei a dominé une partie de la discussion sur les relations Chine-Canada, M. Cong a également abordé un autre sujet de plus en plus sensible en mettant en garde les responsables canadiens contre tout mouvement vers Taïwan.

Le gouvernement chinois considère la démocratie insulaire comme une province voyou et il y a de plus en plus de craintes ces dernières semaines et ces derniers mois que Pékin lance une invasion qui appellerait une intervention des États-Unis et de leurs alliés.

Le Canada souscrit depuis longtemps à ce qu’on appelle la politique d’une seule Chine, qui stipule qu’il n’y a qu’un seul gouvernement chinois, ne reconnaît pas Taïwan comme un pays souverain et n’a donc pas de relations diplomatiques officielles avec Taipei.

Dans son allocution, M. Cong a déclaré que son gouvernement espérait que le Canada « continuerait d’honorer le principe d’une seule Chine et s’assurerait que vous n’êtes pas engagé dans des contacts officiels avec Taïwan ».

Il a également critiqué l’annonce par le gouvernement américain d’un « boycottage diplomatique » des Jeux olympiques d’hiver de février à Pékin en raison de la situation des droits de la personne en Chine, y compris le traitement des musulmans ouïghours et d’autres minorités ethniques.

L’ambassadeur a décrit à plusieurs reprises les allégations selon lesquelles la Chine est engagée dans un génocide des Ouïghours dans la province du Xinjiang comme « le mensonge du siècle » et a accusé les États-Unis de politiser le sport avec leur projet de ne pas envoyer de délégation aux Jeux olympiques.